Voir la source de Distribution de Dirac

{{à sourcer|date=février 2017}}
La '''distribution de Dirac''', aussi appelée par abus de langage '''fonction {{mvar|δ}} de Dirac''', introduite par [[Paul Dirac]], peut être informellement considérée comme une [[fonction (mathématiques)|fonction]] qui prend une « valeur » infinie en 0, et la valeur zéro partout ailleurs, et dont l'[[intégration (mathématiques)|intégrale]] sur ℝ est égale à 1. La [[Représentation graphique d'une fonction mathématique|représentation graphique de la « fonction »]] {{mvar|δ}} peut être assimilée à l'axe des abscisses en entier et le demi axe des ordonnées positives. D'autre part, δ est égale à la  dérivée (au sens des [[Distribution (mathématiques)|distributions]]) de la [[fonction de Heaviside]]. Cette « fonction » δ de Dirac n'est pas une fonction mais c'est une [[mesure de Borel]], donc une [[Distribution (mathématiques)|distribution]].

La fonction δ de Dirac est très utile comme approximation de fonctions dont la représentation graphique a la forme d'une grande pointe étroite. C'est le même type d'abstraction qui représente une charge ponctuelle, une masse ponctuelle ou un [[électron]] ponctuel. Par exemple, pour calculer la vitesse d'une balle de tennis, frappée par une raquette, nous pouvons assimiler la force de la raquette frappant la balle à une fonction {{mvar|δ}}. De cette manière, nous simplifions non seulement les équations, mais nous pouvons également calculer le mouvement de la balle en considérant seulement toute l'impulsion de la raquette contre la balle, plutôt que d'exiger la connaissance des détails de la façon dont la raquette a transféré l'énergie à la balle.

Par extension, l'expression « un Dirac » (ou « un pic de Dirac ») est donc souvent utilisée par les [[physicien]]s pour désigner une fonction ou une courbe « piquée » en une valeur donnée.

== Introduction formelle ==
[[Fichier:Dirac distribution PDF.svg|thumb|right|upright=1.5|Représentation graphique formelle de la fonction de Dirac. La flèche signifie que toute la « masse » de la fonction est concentrée en 0 et vaut 1.]]
On se place dans ℝ{{exp|''n''}}. La « fonction δ de Dirac » est la [[mesure borélienne]] de [[Support d'une mesure|support]] le [[Singleton (mathématiques)|singleton]] {0} et de [[Mesure finie|masse]] 1, c'est-à-dire la [[mesure de probabilité]] {{mvar|δ}} telle que {{math|''δ''({0}) {{=}} 1}}. Plus explicitement, pour tout [[Tribu borélienne#Tribu borélienne de .E2.84.9Dn|borélien {{mvar|A}} de ℝ{{exp|''n''}}]] :
:<math>\int1_A\,\mathrm d\delta:=\delta(A):=\begin{cases}1&\text{ si }0\in A\\0&\text{ sinon.}\end{cases}</math>

Par abus de langage, on dit que la « fonction » {{mvar|δ}} de Dirac est nulle partout sauf en 0, où sa valeur infinie correspond à une « masse » de 1.

La mesure {{mvar|δ}} est clairement [[mesure de Radon|de Radon]], [[Théorème de représentation de Riesz (Riesz-Markov)|ce qui permet de l'identifier]] avec la [[Forme linéaire#Formes linéaires continues|forme linéaire continue]] de [[Dual topologique#Topologie forte sur le dual d'un espace normé|norme]] 1, elle aussi notée {{mvar|δ}} :
:<math>\mathcal C_c(\R^n)\to\R,\,\phi\mapsto\langle\delta,\phi\rangle:=\int\phi\,\mathrm d\delta=\phi(0)</math>,
où <math>\mathcal C_c(\R^n)</math> désigne l'[[Espace vectoriel normé|espace]] des fonctions [[continue]]s à [[Support d'une fonction|support]] [[Théorème de Borel-Lebesgue|compact]], muni de la [[Norme (mathématiques)|norme]] <math>\|\cdot\|_\infty</math> de la [[convergence uniforme]].

La restriction de cette forme linéaire au [[Sous-espace vectoriel|sous-espace]] <math>\mathcal D(\R^n)</math> des [[Fonction test|fonctions tests]] (les [[Fonction C∞ à support compact|fonctions C{{exp|∞}} à support compact]]) est donc une [[Distribution (mathématiques)#Ordre d'une distribution|distribution d'ordre 0]]. Puisque cette distribution {{mvar|δ}} est à [[Support de fonction#Support d'une distribution|support]] compact, elle est [[Distribution tempérée|tempérée]].

Autres présentations (sur ℝ) : 

À toute fonction {{mvar|f}} sur ℝ{{exp|''n''}} [[Fonction localement intégrable|localement intégrable]] est associée une [[Distribution (mathématiques)#Exemples|distribution régulière]] {{mvar|T{{ind|f}}}} :
:<math>\forall\phi \in\mathcal D(\R^n)\quad\langle T_f,\phi\rangle = \int_{-\infty}^{+\infty}\phi(x)\,f(x)\mathrm dx.</math>

La distribution {{mvar|δ}} est égale à la [[distribution (mathématiques)#Dérivation des distributions|dérivée de la distribution]] {{mvar|T{{ind|H}}}} associée à la [[fonction de Heaviside]] (localement intégrable) :
:<math>\langle {(T_H)}',\phi\rangle=-\langle T_H,\phi'\rangle=-\int H\phi'= -[\phi]_0^\infty = \phi(0)=\langle\delta,\phi\rangle</math>.

C'est aussi {{infra|Généralités}} la limite de diverses suites ou familles de fonctions localement intégrables.

== Convolution ==
L'« '''impulsion de Dirac''' » {{mvar|δ}} est l'élément neutre de la [[produit de convolution|convolution]] :

:<math>(\delta\ast \phi )(x)\!:=  \delta \left(\phi (x-\cdot)\right) = \phi(x-0) \quad (x\in\R^n)</math>,

d'où : <math>\delta\ast \phi =\phi</math>.

Cette propriété est abondamment utilisée en [[traitement du signal]]. On dit qu'un [[Signal (théorie des systèmes)|signal]] correspondant à une distribution de Dirac a un [[spectre blanc]]. C’est-à-dire que chaque [[fréquence]] est présente avec une intensité identique. Cette propriété permet d'analyser la réponse fréquentielle d'un système sans avoir à balayer toutes les fréquences.

== Transformée de Fourier ==
La [[Transformation de Fourier#Transformation de Fourier pour les distributions tempérées|transformée de Fourier en tant que distribution tempérée]] de la [[mesure bornée]] {{mvar|δ}} est la [[fonction constante]] 1 :
:<math>\forall y\in\R^n\quad\int\mathrm e^{-\mathrm ix\cdot y}\,\mathrm \delta(x) \, dx =\mathrm e^{-\mathrm i0\cdot y}=1</math>.
Plus exactement, c'est la [[Distribution (mathématiques)#Exemples|distribution régulière]] {{math|''T''{{ind|1}}}} associée à cette fonction :
:<math>\forall\phi\in\mathcal S\quad\langle\widehat{\delta},\phi\rangle=\langle T_1,\phi\rangle=\int\phi(x)\,\mathrm dx</math>
et (par [[Distribution tempérée#Inversion de Fourier|inversion de Fourier]]) la transformée de Fourier de {{math|''T''{{ind|1}}}} est {{mvar|δ}} :
:<math>\langle\widehat{T_1},\phi\rangle=\langle\widetilde{\delta},\phi\rangle=\langle\delta,\phi\rangle</math>.

== Dérivée ==
Le calcul de la dérivée {{mvar|δ'}} de la distribution {{mvar|δ}} donne :
:<math>\forall\phi\in\mathcal D\quad\langle\delta', \phi\rangle \!:= -\phi'(0)</math>.

Plus généralement, celui de la dérivée ''n''-ième de {{mvar|δ}}, {{math|''δ''<sup>(''n'')</sup>}}, donne :
: <math>\langle\delta^{(n)}, \phi\rangle \!:= (-1)^n \phi^{(n)}(0)</math>.
Les dérivées de {{mvar|δ}} apparaissent dans la transformation de Fourier des [[fonction polynôme|polynômes]].

Une identité utile est 
: <math>\delta(g(x)) = \sum_{i}\frac{\delta(x-x_i)}{|g'(x_i)|}</math>

où les {{mvar|x{{ind|i}}}} sont les racines (supposées simples) de la fonction {{math|''g''(''x'')}}. Elle est équivalente à la forme intégrale :
: <math>\int_{-\infty}^{+\infty} f(x) \, \delta(g(x)) \, \mathrm{d}x = \sum_{i}\frac{f(x_i)}{|g'(x_i)|}</math>.

== Représentations de la fonction δ ==
=== Généralités ===
La « fonction » {{mvar|δ}} est la limite de diverses [[Famille (mathématiques)|familles]] {{math|(''η{{ind|a}}'')}} de fonctions ([[Topologie faible|en un sens faible]] à préciser : <math>\forall\phi \in C_c(\R)</math> ou <math>\mathcal D(\R)</math> ou…) :

:<math>\lim_{a\to0^+}\int_{-\infty}^{+\infty}\phi(x)\eta_a(x)\,\mathrm dx=\phi(0).</math>

Certains appellent de telles familles {{math|(''η{{ind|a}}'')}} des « fonctions naissantes » de {{mvar|δ}}.

Celles-ci peuvent être utiles dans des applications spécifiques.

Mais si la limite est employée de manière trop imprécise, des non-sens peuvent en résulter, comme d’ailleurs dans n'importe quelle branche de l’[[Analyse (mathématiques)|analyse]].

La notion d’[[approximation de l'unité]] a une signification particulière en analyse harmonique, en rapport avec la limite d’une famille ayant pour limite un élément neutre pour l'opération de convolution. Ici l’hypothèse est faite que la limite est celle d’une famille de fonctions positives.

=== Notation ===
Dans certains cas, on utilise une fonction décentrée de Dirac, et elle est notée :
: <math>\delta_d (x) = \delta (x-d)</math>.
Voir par exemple : [[produit de convolution]].

=== Exemple élémentaire ===
[[Fichier:Echelon et impulsion.png|right|thumb]]
On peut interpréter de façon plus abordable la définition de la distribution de Dirac {{mvar|δ}} comme dérivée de celle de Heaviside {{supra|Introduction formelle}}, en introduisant le deuxième exemple donné dans le paragraphe suivant.

Pour cela, on considère la famille de fonctions {{math|(''H{{ind|a}}''){{ind|''a'' > 0}}}} définie par
:<math>H_a(x)=\begin{cases}0&\text{si }x\le-a\\
\frac12\left(1+\frac xa\right)&\text{si }-a<x<a\\
1&\text{si }x\ge a\end{cases}</math>

La dérivée {{mvar|H'{{ind|a}}}} est la [[fonction porte]] (ou impulsion) {{math|Π{{ind|''a''}}}} qui vaut {{math|{{frac|1|2''a''}}}} entre {{math|–''a''}} et {{math|+''a''}} et est nulle ailleurs (son intégrale vaut 1).

Pour toute fonction continue {{mvar|f}}, on a donc :

:<math>\int_{-\infty}^{+\infty} f(x)\Pi_a(x)\,\mathrm dx=\frac1{2a}\int_{-a}^af(x)\,\mathrm dx</math>.

D'après le [[théorème fondamental de l'analyse]], cette expression tend vers {{math|''f''(0)}} lorsque {{mvar|a}} tend vers 0, ce qui démontre que {{math|Π{{ind|''a''}}}} tend vers la distribution de Dirac :

:<center><math>\lim_{a\to0^+}\int_{-\infty}^{+\infty} f(x)\Pi_a(x)\,\mathrm dx= f(0)=\langle\delta,f\rangle</math>.</center>

Plus généralement, pour toute famille {{math|(''H{{ind|a}}''){{ind|''a'' > 0}}}} de [[Fonction à variation bornée|fonctions à variation bornée]] (donc [[dérivable]]s [[Ensemble négligeable#Le concept de « presque partout »|presque partout]] et de dérivées [[Fonction localement intégrable|localement intégrables]]), on a :
<center><math>\text{si}\quad\lim_{a\to 0^+}H_a=H\quad\text{dans}\quad\mathrm L^1_{\text{loc}}\quad\text{alors}\quad\lim_{a\to 0^+}H'_a=\delta\quad\text{dans}\quad\mathcal D'.</math></center>

=== Autres exemples ===
[[File:Dirac function approximation.gif|thumb|right|Approximation de la fonction de Dirac par des gaussiennes.]]
Quelques familles fonctions de limite δ lorsque {{math|''a'' → 0}} sont : <math>\eta_a(x)=\frac1a\eta\left(\frac xa\right)</math>, avec {{mvar|η}} défini par

:<math>\eta(x) = \frac1{\pi} {1\over 1+ x^2}</math>
:<math>\eta(x)
= \begin{cases}
\frac12&\text{si }|x|<1,\\
0&\text{sinon}
\end{cases}
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac1{\sqrt{\pi}}\mathrm e^{-x^2}
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac12\mathrm e^{-|x|}
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac{\mathrm d}{\mathrm dx}\left(\frac1{1+\mathrm e^{-x}}\right)=-\frac{\mathrm d}{\mathrm dx}\left(\frac1{1+\mathrm e^x}\right)
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac1{\pi}\frac{\sin^2x}{x^2}
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac1{\pi x}\sin x
             =\frac1{2\pi}\int_{-1}^1
              \cos (k x)\;\mathrm dk
</math>

:<math>
\eta(x)=\frac1{2\pi}\int_{-\infty}^{+\infty}\mathrm e^{\mathrm itx-|t|}\;\mathrm dt
</math>

Il existe donc des [[Suite de fonctions|suites de fonctions]], appelées « '''suites de Dirac''' », convergeant vers la fonction {{mvar|δ}} : les suites {{math|(''φ{{ind|n}}'')}} définies par <math>\varphi_n(x)=\eta_{1/n}(x)=n\eta(nx)</math>.

Un autre exemple, donné par [[Edmund Landau]] en 1908, est :
:<math>
\forall n \in \N\quad\varphi_n(x)= \begin{cases} \frac{(2n+1)!}{2^{2n+1}(n!)^2}(1-x^2)^n & \text{ si} -1 \leq x \leq 1 \\ 0 &  \text{ sinon.} \end{cases}
</math>

On trouvera un résultat général de convergence vers la mesure de Dirac dans la section « Mesures équinormales » de l'article [[Mesures secondaires]].

== Applications ==
La distribution de Dirac sert en physique à décrire des événements ponctuels. Pour les besoins du formalisme quantique, Dirac a introduit un objet singulier, qu'on appelle aujourd'hui « impulsion de Dirac », notée {{math|''δ''(''t'')}}. En outre, cette impulsion représente un signal de durée théoriquement nulle et d'énergie finie.

=== Probabilités ===
Une densité de probabilité, par exemple celle de la [[loi normale]], est représentée par une courbe qui enferme une aire égale à 1. Si on fait tendre sa variance vers 0, on obtient à la limite un delta qui représente la [[Variable aléatoire|densité de probabilité]] d'une variable certaine avec la probabilité 1. Il s'agit là d'une curiosité qui présente un intérêt pratique limité mais elle se généralise d'une manière intéressante. 

La manière la plus simple pour décrire une variable discrète qui prend des valeurs appartenant à un ensemble dénombrable consiste à utiliser sa [[Variable aléatoire|fonction de probabilité]] qui associe une probabilité à chacune des valeurs. On peut aussi considérer une pseudo-densité de probabilité constituée par une somme de fonctions de Dirac associées à chacune des valeurs avec un poids égal à leurs probabilités. Dans ces conditions, les formules intégrales qui calculent les [[Espérance mathématique|espérances]] des variables continues s'appliquent aux variables discrètes en tenant compte de l'équation rappelée ci-dessus.

=== Analyse des enregistrements ===
Pour déterminer le contenu de l'enregistrement d'un phénomène physique en fonction du temps, on utilise généralement la transformation de Fourier. La transformée de Fourier de la « fonction » de Dirac est la fonction constante 1 {{supra|Transformée de Fourier}}.

De nos jours, les enregistrements analogiques continus de phénomènes physiques ont cédé la place à des enregistrements numériques [[Échantillonnage (signal)|échantillonnés]] avec un certain pas de temps. On utilise dans ce domaine la [[transformée de Fourier discrète]] qui est une approximation sur une certaine durée d'échantillonnage.

La multiplication d'une fonction continue par un « [[peigne de Dirac]] », somme de deltas équidistants, a une transformée de Fourier égale à l'approximation de celle de la fonction d'origine par la méthode des rectangles. En utilisant un développement en série de Fourier du peigne, on montre que le résultat donne la somme de la transformée vraie et de toutes ses translatées par la fréquence d'échantillonnage. Si celles-ci empiètent sur la transformée vraie, c'est-à-dire si le signal contient des fréquences supérieures à la moitié de la fréquence d'échantillonnage, le spectre est replié. C'est le phénomène du [[repliement de spectre]]. Dans le cas contraire il est possible de reconstituer exactement le signal par la [[Théorème d'échantillonnage de Nyquist-Shannon|formule de Shannon]].

==Notes et références==
{{Crédit d'auteurs|interne|Fonction δ de Dirac|30779473}}
{{Traduction/Référence|en|Dirac delta function|3459505}}
{{Références}}

== Article connexe ==
* [[Peigne de Dirac]]

== Lien externe==
{{MathWorld|nom_url=DeltaFunction|titre=Delta Function}}

{{Portail|analyse}}

[[Catégorie:Théorie des distributions|Dirac]]
[[Catégorie:Méthode mathématique de la physique]]