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En [[mathématiques]], un '''espace métrique''' est un [[ensemble]] au sein duquel une notion de [[distance (mathématiques)|distance]] entre les éléments de l'ensemble est définie. Les éléments seront, en général, appelés des points<ref>{{Dieudonné1}}, [[Référence:Analyse (Dieudonné Tome I)#Gauthier-Villars (3e édition)|{{3e}} éd.]], {{p.|34}}.</ref>.

Tout espace métrique est [[Canonique (mathématiques)|canoniquement]] muni d'une [[espace topologique|topologie]]. Les [[#Espaces métrisables|espaces métrisables]] sont les espaces topologiques obtenus de cette manière.

L'exemple correspondant le plus à notre expérience intuitive de l'espace est l'[[espace euclidien]] à trois dimensions. La métrique euclidienne de cet espace définit la distance entre deux points comme la longueur du segment les reliant.

La classe d'[[isométrie]] d'un espace métrique (c'est-à-dire l'ensemble de tous les espaces de même structure métrique) est beaucoup plus petite que sa classe d'[[homéomorphisme|homéomorphie]]. Par exemple, un carré, un triangle, un cercle et n'importe quelle [[Théorème de Jordan|courbe de Jordan]] sont homéomorphes, par contre ils ne sont pas isométriques. Ainsi une structure métrique code beaucoup plus d'information sur la forme géométrique des objets qu'une simple structure topologique ; ce qui n'a rien de surprenant, car la notion de distance entre deux points est centrale pour la géométrie usuelle.

==Définitions==
*On appelle (''E'', ''d'') un espace métrique si ''E'' est un ensemble et ''d'' une distance sur ''E''.
* On appelle [[Distance (mathématiques)|distance]] sur un ensemble ''E'', une application ''d'' de  ''E''{{2}} dans ℝ{{exp|+}} telle que, pour tout {{math|''x'', ''y'', ''z''}} de ''E'' :
**<math>d(x,y)=d(y,x)</math> (symétrie) ;
**<math>d(x,y)=0\Leftrightarrow x=y</math> (séparation) ;
**<math>d(x,z)\le d(x,y)+d(y,z)</math> ([[inégalité triangulaire]]).
* On appelle [[boule (mathématiques)|boule]] ouverte (resp. fermée) ''centrée'' en un point ''a'' de ''E'' et de rayon ''r'' (un élément de ℝ{{exp|+}}), l'ensemble des points ''x'' situés à une distance de ''a'' strictement plus petite que ''r'' (resp. inférieure ou égale à ''r'') :<center><math>B(a,r)=\{x\in E\mid d(x,a)<r \},\quad B_f(a,r)=\left\{x\in E\,\mid\,d(x,a)\leq r\right\}</math>.</center>
*On définit la ''topologie associée à la distance d'' sur ''E'' comme la [[Espace topologique|topologie]] dont une [[Base (topologie)|base]] d'[[Ouvert (topologie)|ouverts]] est l'ensemble des boules ouvertes. Les boules ouvertes centrées en un point ''x'' constituent alors une [[base de voisinages]] de ''x''<ref name=WikiversitéInfra>Pour plus de détails, suivre par exemple le lien en [[#Voir aussi|bas de page]] vers [[Wikiversité]].</ref>.
*Un espace topologique est dit [[espace métrisable|métrisable]] s'il existe une distance induisant sa topologie. La [[Topologie de la droite réelle|topologie usuelle sur la droite]] [[Nombre réel|réelle]], sur le [[Plan (mathématiques)|plan]], etc. sont des exemples de topologies métrisables. Les notions de boule, de [[partie bornée]], de [[suite de Cauchy]], de [[continuité uniforme]], etc. ne sont pas des notions topologiques mais métriques, susceptibles de varier selon la distance choisie.

== Remarques ==
* Pour toute partie non vide ''A'' de ''E'', l'application qui à tout point ''x'' de ''E'' associe la [[Distance (mathématiques)#Distance d'un point à une partie|distance de ''x'' à ''A'']] (c'est-à-dire l'[[Infimum|inf]] des distances de ''x'' à tous les points de ''A'') est [[continue]] car 1-[[Application lipschitzienne|lipschitzienne]]<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Laurent Schwartz (mathématicien)|Laurent Schwartz]]|titre=Théorie des ensembles et topologie|volume=1|éditeur=[[Hermann (éditions)|Hermann]]|date=1991|isbn=2705661611|oclc=757664001|page=162}}.</ref>. Les ''x'' en lesquels elle s'annule sont les [[Point adhérent|points adhérents]] à ''A''<ref name=":0" />.
**Tout espace topologique [[#Espaces métrisables|métrisable]] est par conséquent non seulement [[espace séparé|séparé]] mais [[Axiome de séparation (topologie)#La séparation T5 1/2 (espace parfaitement normal)|parfaitement normal]] — donc [[Espace normal|normal]] — c'est-à-dire que tous les [[Singleton (mathématiques)|singletons]] sont [[Fermé (topologie)|fermés]] et que tout fermé ''F'' est le [[Zéro d'une fonction|lieu d'annulation]] d'une fonction continue : l'application ''x'' ↦ ''d''(''x'', ''F'').
*En particulier, pour tout élément ''a'' de ''E'', l'application ''x'' ↦ ''d''(''x'', ''a'') est 1-lipschitzienne. On en déduit que :
**toute boule fermée ''B''<sub>f</sub>(''a'',&nbsp;''r'') est un fermé pour la topologie associée à la distance (comme [[image réciproque]], par cette application, du fermé [0, ''r'']). L'[[adhérence (mathématiques)|adhérence]] {{surligner|''B''(''a'',&nbsp;''r'')}} de ''B''(''a'',&nbsp;''r'') est donc incluse dans ''B''<sub>f</sub>(''a'',&nbsp;''r''), mais parfois strictement : voir les articles « [[Boule (mathématiques)]] » et « [[Distance ultramétrique]] ».
**[[Application lipschitzienne#Quelques propriétés|l'application ''d'' est 2-lipschitzienne]], sur l'[[#Produit d'espaces métriques|espace produit ''E''×''E'']] muni de la distance ''d''{{ind|{{math|∞}}}} définie par ''d''{{ind|{{math|∞}}}}((''x''{{ind|1}}, ''x''{{ind|2}}), (''y''{{ind|1}}, ''y''{{ind|2}})) = max(''d''(''x''{{ind|1}}, ''y''{{ind|1}}), ''d''(''x''{{ind|2}}, ''y''{{ind|2}})).
*Sur toute partie ''A ''de ''E'', la [[topologie induite]] coïncide avec celle définie par la restriction de la distance. En effet, elles possèdent toutes les deux comme [[base de voisinages]] d'un point ''x'' de ''A'' l'intersection avec ''A ''des boules ouvertes de centre ''x''.
*Un espace métrique est dit '''propre''' si toutes ses boules fermées sont [[Compacité (mathématiques)|compactes]]. Tout espace métrique propre est [[Espace localement compact|localement compact]] mais la réciproque est fausse (penser à la distance [[Topologie discrète|discrète]] sur un ensemble infini).

== Exemples ==
* Une [[norme (mathématiques)|norme]] ''N'' sur un [[espace vectoriel]] réel ou complexe<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Jacques Dixmier]]|titre=Topologie générale|page=107|lieu=|éditeur=[[PUF]]|date=|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}.</ref> induit de manière naturelle une distance ''d''(''x'', ''y'') = ''N''(''x – y'').
* Diverses [[Distance (mathématiques)#Distance sur des espaces vectoriels|distances usuelles sur ℝ{{exp|''n''}}]] sont déduites d'une norme, ainsi, par exemple :
**(pour ''n'' = 1) la distance usuelle sur l'ensemble des réels est celle associée à la [[valeur absolue]] ;
**(pour ''n'' = 2) la [[distance de Manhattan]] sur le plan ℝ{{2}} : ''d''(''a'', ''b'') = |''x{{sub|b}} – x{{sub|a}}''| + |''y{{sub|b}} – y{{sub|a}}''|. C'est la distance induite par la [[Norme (mathématiques)#En dimension finie|norme 1]] ;
**(pour ''n'' = 2) la distance aux [[échecs]] permet de connaître le nombre minimum de coups au jeu d'échecs pour aller avec le roi d'une case ''a'' = (''x{{sub|a}}'', ''y{{sub|a}}'') à une case ''b'' = (''x{{sub|b}}'', ''y{{sub|b}}'') et se définit par : {{nobr|1=''d''(''a'', ''b'') = max({{!}}''x{{sub|b}} – x{{sub|a}}''{{!}}, {{!}}''y{{sub|b}} – y{{sub|a}}''{{!}})}} ;
* Le [[Module d'un nombre complexe|module]] de la différence entre deux nombres complexes est une distance<ref name=":0">{{Ouvrage|auteur=[[Georges Skandalis]]|titre=Topologie et analyse {{3e|année}}|sous-titre=cours et exercices avec solutions|volume=3|page=4, 21|lieu=|éditeur=[[Dunod]]|year=2004|pages totales=|isbn=2100488864|oclc=492144889}}.</ref>. 
* La distance triviale (ou encore distance discrète ou métrique discrète) est définie sur tout ensemble par : ''d''(''x'', ''y'') = 1 si ''x ≠ y'' et ''d''(''x'', ''x'') = 0. La topologie associée est la [[topologie discrète]].
*La [[distance de Hamming]] est utilisée en théorie des [[Code correcteur|codes correcteurs]].
* Les [[Topologie de la droite réelle|espaces topologiques ℝ et <nowiki>]</nowiki>0, 1<nowiki>[</nowiki>]] sont homéomorphes mais, munis de la distance usuelle, ils ne sont pas [[Isométrie|isomorphes en tant qu'espaces métriques]] ; par exemple, ℝ est [[Espace complet|complet]] mais ]0, 1[ ne l'est pas.
* Si l'on munit ℝ{{exp|+}} de la distance ''d''(''x'', ''y'') = |e<sup>''x''</sup> – e<sup>''y''</sup>|, on retrouve la topologie usuelle sur ℝ{{exp|+}} mais maintenant toutes les fonctions polynomiales sont [[continuité uniforme|uniformément continues]].

==Produit d'espaces métriques==
Tout produit fini ou dénombrable d'espaces métriques peut être muni d'une distance qui induit la [[Espace uniforme#Continuité uniforme|structure uniforme produit]] et a fortiori la [[topologie produit]] : pour cela, si les (''E{{sub|k}}'', ''d{{sub|k}}'') (''k''∈ℕ) sont des espaces métriques, on peut par exemple munir ''E''{{sub|1}}×…×''E{{sub|n}}'' de la distance ''d{{sub|N}}'' définie par<center><math>d_N\Big((x_1,\ldots,x_n),(y_1,\ldots,y_n)\Big)=N\Big(d_1(x_1,y_1),\ldots,d_n(x_n,y_n)\Big),</math></center>
où ''N'' est une [[Espace de suites ℓp|norme ℓ{{exp|''p''}}]] arbitraire sur ℝ{{exp|''n''}} (ou toute autre [[Norme (mathématiques)|norme]] [[Fonction croissante|croissante]] sur (ℝ{{exp|+}}){{exp|''n''}} pour l'[[ordre produit]]) et munir ''E ''= ∏{{sub|''k''∈ℕ}}''E{{sub|k}}'' de la distance ''d'' définie par<center><math>d(x,y)=\sup_{k\in\N}\frac{d_k(x_k,y_k)}{2^k},</math></center>
où chaque distance sur ''E{{ind|k}}'' est au préalable remplacée si nécessaire par une [[distance équivalente]] ''d{{ind|k}}'' [[majoré]]e par une constante indépendante de ''k''.
On vérifie facilement<ref name=WikiversitéInfra/> que ''d{{ind|N}}'' et ''d'' sont bien des distances sur les ensembles correspondants et que les topologies qu'elles définissent sur ces ensembles coïncident avec les topologies produit (les calculs montrent même que non seulement les deux topologies coïncident, mais aussi les deux structures uniformes dont elles sont issues, sous réserve d'avoir choisi, dans le remplacement préalable des ''d{{ind|k}}'', des distances équivalentes uniformément et pas seulement topologiquement)<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Henri Bourlès]]|titre=Précis de mathématiques approfondies et fondamentales|vol=2|titre volume=Extensions de corps, topologie et espaces vectoriels topologiques, espaces fonctionnels, faisceaux|éditeur=ISTE|year=2018|isbn=978-1-78405416-8|url={{Google Livres|n4JlDwAAQBAJ|page=101}}|page=101-102}}.</ref>.

Si chaque ''d{{ind|k}}'' est la [[#Exemples|distance discrète]], ce choix de ''d'' donne : si ''x'' ≠ ''y'', ''d''(''x'', ''y'') = 2{{exp|–''k''}} où ''k'' est le plus petit ''n'' tel que ''x{{ind|n}}'' ≠ ''y{{ind|n}}''. Des exemples sont l'[[Espace de Baire (théorie des ensembles)|espace de Baire]] et les [[Anneau topologique|anneaux topologiques]] de [[séries formelles]].

En revanche, un produit non dénombrable d'espaces topologiques non [[Topologie grossière|grossiers]] n'est jamais [[#Espaces métrisables|métrisable]], ni même [[espace séquentiel|séquentiel]].

== Équivalence d'espaces métriques ==

En comparant deux espaces métriques il est possible de distinguer différents degrés d'[[Équivalence des distances|équivalence]]. Pour préserver au moins la structure topologique induite par la métrique, une [[fonction continue]] entre les deux est requise.

Deux espaces métriques (''M''<sub>1</sub>, ''d''<sub>1</sub>) et (''M''<sub>2</sub>, ''d''<sub>2</sub>) sont dits :

*'''topologiquement isomorphes''' (ou '''homéomorphes''') s'il existe un [[homéomorphisme]] entre eux ;
*'''uniformément isomorphes''' s'il existe entre eux une [[bijection]] [[Bijection réciproque|uniformément continue]] dont la [[Application réciproque|réciproque]] est uniformément continue.
*'''Lipschitz-équivalents''' s'il existe une bijection de l'un sur l'autre qui est [[application lipschitzienne|lipschitzienne]] ainsi que son application réciproque.
*'''isométriquement isomorphes''' s'il existe une isométrie bijective entre eux. Dans ce cas les deux espaces sont essentiellement identiques. Une '''[[isométrie]]''' est une fonction ''f'' : ''M''<sub>1</sub> → ''M''<sub>2</sub>  qui préserve les distances : ''d''<sub>2</sub>(''f''(''x''), ''f''(''y'')) = ''d''<sub>1</sub>(''x'', ''y'') pour tout ''x'', ''y'' dans ''M''<sub>1</sub>. Les isométries sont forcément [[Injection (mathématiques)|injectives]].
*'''semblables''' s'il existe une constante positive ''k'' > 0 et une bijection ''f'' : ''M''<sub>1</sub> → ''M''<sub>2</sub>, appelée [[Similitude (géométrie)|similitude]], telle que ''d''<sub>2</sub>(''f''(''x''), ''f''(''y'')) = k ''d''<sub>1</sub>(''x'', ''y'') pour tout ''x'', ''y'' dans ''M''<sub>1</sub>.
*{{refsou|date=février 2011|1='''similaires''' s'il existe une bijection ''f'' : ''M''<sub>1</sub> → ''M''<sub>2</sub>, appelée similarité, telle que ''d''<sub>2</sub>(''f''(''x''), ''f''(''y'')) =  ''d''<sub>2</sub>(''f''(''u''), ''f''(''v'')) si et seulement si ''d''<sub>1</sub>(''x'', ''y'') =  ''d''<sub>1</sub>(''u'', ''v'') pour tous ''x'', ''y'', ''u'', ''v'' dans ''M''<sub>1</sub>.}}

Deux [[Espace euclidien|espaces euclidiens]] similaires sont nécessairement homéomorphes, [[Théorème de l'invariance du domaine|donc de même dimension]] et par conséquent isométriques.

== Espaces métrisables ==
Partant d'un [[espace topologique]], on peut se demander s'il est [[#Définitions|métrisable]]. Plusieurs conditions suffisantes pour cela ont été trouvées.
*La première réellement utile est due à [[Pavel Urysohn|Urysohn]] ; elle dit que tout [[espace régulier]] [[Espace à base dénombrable|à base dénombrable]] est métrisable (cette forme de la condition a en fait été prouvée par [[Andreï Nikolaïevitch Tikhonov|Tychonov]] en 1926. Ce qu'Urysohn avait trouvé, dans un article publié en 1925, était que tout ''[[espace normal]] ''à base dénombrable est métrisable). Par exemple, toute [[Variété (géométrie)|variété]] à base dénombrable est métrisable. Également un [[Compacité (mathématiques)|compact]] est métrisable si et seulement s'il est à base dénombrable.
*Cette condition suffisante d'Urysohn (régularité + base dénombrable) a été transformée en une condition nécessaire et suffisante (régularité + base [[Glossaire de topologie#L|dénombrablement localement finie]]) par [[Critère de métrisabilité de Nagata-Smirnov|Bing, Nagata et Smirnov]].
*Smirnov a aussi prouvé qu'un espace est métrisable si et seulement s'il est [[Espace paracompact|paracompact]] et [[Propriété locale|localement]] métrisable (un espace est dit localement métrisable si chaque point a un voisinage métrisable). En particulier, une variété est métrisable si et seulement si elle est paracompacte.

==Notes et références==
{{Références}}

==Voir aussi==
{{Autres projets|wiktionary=espace métrique|v=Topologie générale/Espace métrique|wikiversity titre=Espace métrique}}
{{Colonnes|nombre=2|
*[[Espace à bases dénombrables de voisinages]]
*[[Espace complet]]
*[[Espace précompact]]
*[[Espace pseudométrique]]
* [[Espace quasimétrique]]
* [[Espace uniforme]]
* [[Géodésique]]
* [[Lexique de la géométrie riemannienne]]
*[[Plongement de Kuratowski]]
* [[Topologie]]
*[[Théorème de Bolzano-Weierstrass]] et autres [[Espace dénombrablement compact#Cas métrisable|critères de compacité pour un espace métrique]]
*[[Espaces de longueur]]
}}

{{Palette|Structures algébriques}}
{{Portail|Géométrie}}

[[Catégorie:Espace métrique|*]]