Voir la source de Fraction continue généralisée

En [[mathématiques]], une '''fraction continue généralisée''' est une expression de la forme :
<center><math>b_0+\cfrac{a_1}{b_1+\cfrac{a_2}{b_2+\cfrac{a_3}{b_3+\dots}}}</math></center>
comportant un nombre fini ou infini d'étages. C'est donc une généralisation des [[Fraction continue|fractions continues simples]] puisque dans ces dernières, tous les {{math|''a{{ind|i}}''}} sont égaux à 1<ref>Les dénominateurs d'une fraction continue simple sont usuellement notés {{math|''a{{ind|i}}''}}, contrairement à ceux d'une fraction continue généralisée où ils sont le plus souvent notés {{math|''b{{ind|i}}''}}, les {{math|''a{{ind|i}}''}} désignant alors les numérateurs.</ref>.

==Notations==
Une fraction continue généralisée est une généralisation des fractions continues où les  numérateurs et dénominateurs partiels peuvent être des [[Nombre complexe|complexes]] quelconques :
:<math>x = b_0 + \cfrac{a_1}{b_1 + \cfrac{a_2}{b_2 + \cfrac{a_3}{b_3 + \cfrac{a_4}{\ddots\,}}}}</math>

où ''a''<sub>''n''</sub> (''n'' > 0) sont les numérateurs partiels et les ''b''<sub>''n''</sub> les dénominateurs partiels.

Des notations plus compactes sont employées :

:<math>
x = b_0+\frac{a_1}{b_1+}~\frac{a_2}{b_2+}~\frac{a_3}{b_3+}\cdots</math><ref name=Dutka>{{Article|lang=en|first=Jacques|nom=Dutka|titre=Wallis's product, Brouncker's continued fraction, and Leibniz's series|revue=[[Archive for History of Exact Sciences|Arch. Hist. Exact Sci.]]|vol=26|issue=2|year=1982|p.=115-126}}.</ref>.

[[Carl Friedrich Gauss]] utilisa une notation rappelant la notation Σ des [[série (mathématiques)|séries]] ou Π du [[produit infini]] :

:<math>
x = b_0 + \underset{i=1}{\overset{\infty}{\mathbf K}} \frac{a_i}{b_i}</math>

où la lettre {{math|'''K'''}} est l'initiale de ''{{lang|de|Kettenbruch}}'', signifiant « fraction continue » en allemand.

Dans la suite, on adopte l'écriture d'[[Alfred Pringsheim]] :

:<math>
x = b_0 + \frac{a_1 \mid}{\mid b_1} + \frac{a_2 \mid}{\mid b_2} + \frac{a_3 \mid}{\mid b_3}+\cdots.</math>

==[[Transformation de Möbius|Transformations de Möbius]]==
L'observation suivante va rendre naturel le calcul des réduites. Les fonctions {{math|''ρ{{ind|n}}''}} définies par
<center><math>\rho_0(z)=b_0+z\quad{\rm et}\quad\forall n\in\N^*\quad\rho_n(z)=b_0+\frac{a_1\mid}{\mid b_1}+\frac{a_2\mid}{\mid b_2}+\ldots+\frac{a_n\mid}{\mid b_n+z}</math></center>
sont des composées de [[Fonction homographique|fonctions homographiques]] :
<center><math>\forall n\in\N^*\quad\rho_n=\rho_{n-1}\circ\tau_n\quad{\rm avec}\quad\tau_n(z)=\frac{a_n}{b_n+z}.</math></center>
Les [[Fonction_homographique#Propri.C3.A9t.C3.A9s_alg.C3.A9briques|matrices associées]] vérifient alors
<center><math>R_0=\begin{pmatrix}1&b_0\\0&1\end{pmatrix}\quad{\rm et}\quad\forall n\in\N^*\quad R_n=R_{n-1}T_n\quad{\rm avec}\quad T_n=\begin{pmatrix}0&a_n\\1&b_n\end{pmatrix},</math></center>
si bien que<ref>Ces calculs, purement algébriques, restent valables génériquement, dans le corps de [[Fraction rationnelle|fractions rationnelles]] (à coefficients rationnels) d'indéterminées {{math|''z''}}, {{math|''b''{{ind|0}}}}, {{math|''a''{{ind|1}}}}, {{math|''b''{{ind|1}}}}, {{math|''a''{{ind|2}}}}{{etc.}}</ref>
<center><math>\forall n\in\N\quad R_n=\begin{pmatrix}h_{n-1}&h_n\\k_{n-1}&k_n\end{pmatrix}\quad{\rm et}\quad\rho_n(z)=\frac{h_{n-1}z+h_n}{k_{n-1}z+k_n},</math></center>
où les {{math|''h{{ind|n}}''}} et {{math|''k{{ind|n}}''}} sont définis par
<center><math>\begin{align}h_{-1}&=1,&h_0&=b_0,&h_n&=b_nh_{n-1}+a_nh_{n-2}\quad{\rm et}\\ k_{-1}&= 0,&k_0&=1,&k_n&=b_nk_{n-1}+a_nk_{n-2}.\end{align}</math></center>

==Réduites==
Des formules précédentes découlent celles sur les numérateurs et dénominateurs des réduites, généralisant celles des [[Fraction continue#Réduites d'une fraction continue|réduites d'une fraction continue simple]] :
<center><math>\begin{align}\forall n\in\N&\quad&b_0+\frac{a_1\mid}{\mid b_1}+\frac{a_2\mid}{\mid b_2}+\ldots+\frac{a_n\mid}{\mid b_n}=\frac{h_n}{k_n}&\quad&(1)\\
\forall n\in\N^*&&\frac{b_n}{a_n}=-\frac{h_nk_{n-2}-h_{n-2}k_n}{h_nk_{n-1}-h_{n-1}k_n}&&(2)\\
\forall n\in\N&&h_{n-1}k_n-h_nk_{n-1}=\Pi_{i=1}^n (-a_i)&&(3)\end{align}
</math></center>

{{Démonstration/début}}
*(1) est l'évaluation de {{math|''ρ{{ind|n}}''}} en 0.
*(2) résulte de {{math|1=''h{{ind|n}}''/''k{{ind|n}} = ρ{{ind|n}}''(0) = ''ρ''{{ind|''n''–1}}(''τ{{ind|n}}''(0)) = ''ρ''{{ind|''n''–1}}(''a{{ind|n}}''/''b{{ind|n}}'')}}, en [[Fonction homographique#Définition|inversant ''ρ''{{ind|''n''–1}}]].
*(3) se déduit des formules matricielles, en calculant des [[Déterminant (mathématiques)|déterminants]].
{{Démonstration/fin}}
==Conversions==

Si (''c{{ind|n}}''){{ind|''n''>0}} est une suite de complexes non nuls alors
{{Retrait|<math>\frac{a_1\mid}{\mid b_1}+\frac{a_2\mid}{\mid b_2}+\frac{a_3\mid}{\mid b_3}+\frac{a_4\mid}{\mid b_a}+\cdots=\frac{c_1a_1\mid}{\mid c_1b_1}+\frac{c_1c_2a_2\mid}{\mid c_2b_2}+\frac{c_2c_3a_3\mid}{\mid c_3b_3}+\frac{c_3c_4a_4\mid}{\mid c_4b_4}+\cdots,</math>}}
c'est-à-dire que ces deux fractions continues ont mêmes réduites.

En particulier :
*si tous les ''a{{ind|i}}'' sont non nuls alors, en choisissant ''c''{{ind|1}} = 1/''a''{{ind|1}} et ''c''{{ind|''n''+1}} = 1/(''a''{{ind|''n''+1}}''c{{ind|n}}''), on se ramène à une [[fraction continue]] ordinaire :{{Retrait|<math>\frac{a_1\mid}{\mid b_1}+\frac{a_2\mid}{\mid b_2}+\frac{a_3\mid}{\mid b_3}+\cdots=\frac{1\mid}{\mid c_1b_1}+\frac{1\mid}{\mid c_2b_2}+\frac{1\mid}{\mid c_3b_3}+\cdots~;</math>}}
*si tous les ''b{{ind|i}}'' sont non nuls, on peut construire de même une suite (''d{{ind|n}}''){{ind|''n''>0}} telle que {{Retrait|<math>\frac{a_1\mid}{\mid b_1}+\frac{a_2\mid}{\mid b_2}+\frac{a_3\mid}{\mid b_3}+\cdots=\frac{d_1a_1\mid}{\mid1}+\frac{d_2a_2\mid}{\mid1}+\frac{d_3a_3\mid}{\mid1}+\cdots,</math>}}en posant ''d''{{ind|1}} = 1/''b''{{ind|1}} et pour ''n'' > 1, ''d''{{ind|''n''+1}} = 1/(''b''{{ind|''n''+1}}''b{{ind|n}}'').

Ces deux conversions sont extrêmement utiles dans l'analyse du [[problème de convergence]].

Une autre, également découverte par [[Leonhard Euler|Euler]]<ref>{{la}} L. Euler, ''[http://eulerarchive.maa.org/pages/E071.html De fractionibus continuis dissertatio]'', 1744, § 25.</ref>, permet de compacter une fraction continue simple ayant une « quasipériode » ''de longueur paire'' 2''r'' en une fraction continue généralisée « presque » simple — ou inversement, de développer certaines fractions généralisées en fractions simples — en appliquant ''r'' fois la formule suivante :

{{Retrait|<math>\frac{1\mid}{\mid b_1}+\frac{1\mid}{\mid m}+\frac{1\mid}{\mid n}+\frac{1\mid}{\mid b_2}+\frac{1\mid}{\mid m}+\frac{1\mid}{\mid n}+\frac{1\mid}{\mid b_3}+\frac{1\mid}{\mid m}+\frac{1\mid}{\mid n}+\cdots=\frac{mn+1\mid}{\mid (mn+1)b_1+n}+\frac{1\mid}{\mid (mn+1)b_2+m+n}+\frac{1\mid}{\mid (mn+1)b_3+m+n}+\cdots,</math>}}
l'égalité signifiant ici que pour tout entier naturel ''k'', la réduite d'indice ''k'' de la fraction généralisée de droite est égale à celle d'indice 3''k'' de la fraction simple de gauche.

{{Démonstration/début}}
En notant
{{retrait|<math>T_x=\begin{pmatrix}0&1\\1&x\end{pmatrix},~U_b=T_bT_mT_n\text{ et }V_b=T_{(mn+1)b+m+n},</math>}}
on a
<center><math>U_bP=PV_b\text{ pour }P=\begin{pmatrix}mn+1&0\\-m&1\end{pmatrix}</math></center>
donc
<center><math>U_{b_1}U_{b_2}\ldots U_{b_k}P=PV_{b_1}V_{b_2}\ldots V_{b_k}.
</math></center>
On conclut en appliquant à 0 les [[#Transformations de Möbius|transformations de Möbius]] correspondantes et en remarquant que celle qui correspond à ''P'' [[Point fixe|fixe]] 0.

(La contrainte de parité sur la quasipériode s'explique par : {{math|1=det(''T{{ind|x}}'') = –1}}.)
{{Démonstration/fin}}

==Équation du second degré==
{{Voir|Problème de convergence#Cas particulier où la période est égale à 1{{!}}§ sur les fractions de période 1 de l'article sur le problème de convergence}}
[[Fichier:Algebra by Rafael Bombelli.gif|thumb|L'''Algebra'' de [[Raphaël Bombelli]] contient la première fraction continue connue en Europe, elle correspond à celle donné en exemple dans ce paragraphe.]]
Un exemple d'illustration de l'arrivée naturelle d'une fraction continue généralisée est l'[[équation du second degré]]. Étudions le cas particulier, correspondant à celle de Bombelli<ref>[[Rafael Bombelli|R. Bombelli]], ''L'Algebra'', 1572, {{cf.}} {{MacTutor|class=Extras|id=Bombelli_algebra|title=Bombelli: ''Algebra''}}.</ref>, la première connue en Europe :
<center><math>x^2 -6x - 4 = 0 \quad\text{ou}\quad x = 6 + \frac 4x.</math></center>

En remplaçant ''x'' par sa valeur, on obtient, comme valeur de ''x'' :
<center><math>(1)\; 6 + \frac 4x,\quad (2)\; 6 + \cfrac 4{6 + \cfrac 4x},\quad (3)\;6 + \cfrac 4{6 + \cfrac 4{6 + \cfrac 4x}} \quad\cdots</math></center>

En notation de Pringsheim, la fraction ''ƒ'' prend la forme suivante :
<center><math>f = 6 + \frac{4\mid}{\mid 6} + \frac{4 \mid}{\mid 6} + \frac{4 \mid}{\mid 6} +\cdots </math></center>

Un calcul manuel montre que ses premières réduites sont 6, 20/3, 33/5, 218/33, 720/109. On démontre que cette suite tend vers une des deux [[racine d'un polynôme|racines]] : celle égale à 3 + {{racine|13}}. À l'époque de Bombelli, l'intérêt principal de cette fraction continue était d'offrir une méthode d'extraction de racine : le calcul de la fraction permet d'approcher {{racine|13}} avec toute la précision souhaitée.

Pour une solution d'une équation du second degré arbitraire, Euler écrit le même développement<ref>{{la}} L. Euler, ''[[Introductio in analysin infinitorum]]'', 1748, [http://www.math.dartmouth.edu/~euler/docs/originals/E101capitel16.18.pdf vol. I, chap. 18].</ref>. On peut montrer ({{cf.}} article détaillé) que si l'équation a une racine double non nulle ou deux racines de [[Module d'un nombre complexe|modules]] distincts, cette fraction continue généralisée tend vers la racine de plus grand module mais que sinon, la fraction continue n'est pas convergente.

[[Fichier:Leonhard Euler 2.jpg|thumb|[[Leonhard Euler]] calcule le premier développement en fraction continue généralisée d'une fonction.]]

==Fractions continues de {{math|π}} et de {{math|e}}==
La fraction continue de {{math|π}} n'offre aucune régularité donc son calcul est inextricable. Ce nombre admet en revanche de multiples développements en fractions continues généralisées. La première apparition d'une telle fraction est la [[William Brouncker#Formule de Brouncker|formule de Brouncker]] :
<center><math>\frac {\pi}4 = \frac{1 \mid}{\mid 1} + \frac{1^2 \mid}{\mid 2} + \frac{3^2 \mid}{\mid 2} + \frac{5^2 \mid}{\mid 2} + \ldots.</math></center>

Une démonstration de cette égalité figure dans l'article « [[Formule de fraction continue d'Euler]] », par évaluation au point 1 d'une fraction continue généralisée de la fonction [[Arctangente]]. Ainsi, une fraction continue ne s'applique pas uniquement aux nombres, mais aussi à certaines fonctions. De même, [[Fraction continue et approximation diophantienne#Exemple, la base du logarithme népérien|Euler a développé la fonction exponentielle]] en une fraction continue généralisée d'une forme appropriée :
{{retrait|<math>{\rm e}^{1/s}=[1,s-1,1,1,3s-1,1,1,5s-1,1,1,7s-1,\ldots],</math>}}
de manière à obtenir la fraction continue ''simple'' de {{math|e}} :
<center><math>{\rm e}=[2,1,2,1,1,4,1,1,6,1,1,8,1,1,10,1,\ldots].</math></center>

== Notes et références ==
{{Crédit d'auteurs|interne|Fraction continue|102036213}}
{{Références|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
===Articles connexes===
* [[Approximant de Padé]]
* [[Fraction continue d'un irrationnel quadratique]]
* Et, concernant la convergence,
** [[Constante de Khintchine]]
** [[Constante de Lévy]]
**[[Problème de convergence]]
** [[Théorème de Lochs]]
** [[Théorème de Śleszyński-Pringsheim]]

=== Liens externes ===
*{{Article|lien auteur=Évariste Galois|prénom=Évariste|nom=Galois|titre=Démonstration d'un théorème sur les fractions continues périodiques|lien périodique=Annales de Gergonne|revue=Annales de mathématiques pures et appliquées|vol=19|year=1828-1829|p.=294-301|url=http://www.bibnum.education.fr/math%C3%A9matiques/alg%C3%A9bre/d%C3%A9monstration-d%E2%80%99un-th%C3%A9or%C3%A8me-sur-les-fractions-continues-p%C3%A9riodiques}}{{Commentaire biblio|Le premier article de Galois, analysé sur le site [[Bibnum]].}}
* {{en}} [http://wims.unice.fr/wims/wims.cgi?module=tool/number/contfrac.en Un calculateur en ligne de fraction continue]
* {{de}} [http://www-m10.ma.tum.de/twiki/bin/view/Lehre/Bsp5_2 Une illustration graphique] de l'algorithme d'Euclide itéré pour le calcul d'une fraction continue (avec [[Cinderella (logiciel)|Cinderella]]).

=== Bibliographie ===
* Roger Descombes, ''Éléments de théorie des nombres'', [[PUF]], 1986
* [[Le Petit Archimède]], ''Numéro spécial ''{{math|π}}
* {{Le fascinant nombre π}}
* Marc Guinot, ''Arithmétique pour amateurs. Vol. 4 : Lagrange et Legendre'', Aléas, 1996 {{ISBN|978-2-908016-71-0}}
* Alain Faisant, ''L'équation diophantienne du second degré'', [[Hermann (éditions)|Hermann]], 1991
* {{HardyWright}}
* Jean Trignan, ''Introduction aux problèmes d'approximation : fractions continues, différences finies'', Éd. du Choix, 1994 {{ISBN|978-2-909028-16-3}}
* ''Bulletin de l'[[APMEP]]'' {{n°|450}}
* [[Georges Valiron]], ''Théorie des fonctions'', [[Éditions Masson|Masson]], Paris, 1966, Notions sur les fractions continues arithmétiques {{p.|17-24}}

{{Portail|théorie des nombres}}

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