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En [[physique]], la '''loi de Hooke''' modélise le comportement des solides élastiques soumis à des [[contrainte (mécanique)|contraintes]]. Elle stipule que la [[déformation élastique]] est une [[application multilinéaire|fonction linéaire]] des contraintes. Sous sa forme la plus simple, elle relie l'allongement (d'un [[ressort]], par exemple) à la force appliquée. Cette loi de comportement a été énoncée par le physicien anglais [[Robert Hooke]] en 1676.

La loi de Hooke est en fait le terme de premier ordre d'une [[série de Taylor]]. C'est donc une approximation qui peut devenir inexacte quand la déformation est trop grande. Au-delà d'un certain seuil la déformation peut aussi devenir permanente, ce qui invalide aussi la loi. En revanche, la loi de Hooke peut être considérée à toutes fins pratiques comme exacte quand les forces et les déformations sont suffisamment petites, aussi est-elle utilisée dans de très nombreux domaines de la physique et de l'ingénierie, tels que la [[Sismologie|séismologie]], la [[mécanique moléculaire]] et l'[[acoustique]].

== Loi de Hooke pour les ressorts ==
[[Fichier:Traction compression variations dimensionnelles.png|thumb|Cylindre soumis à de la traction/compression]]

Le mode de déformation le plus simple est la traction (étirement) ou la compression selon un axe. Pour de petites déformations, la variation de longueur <math>\Delta \ell</math> est proportionnelle à la force de traction/compression <math>\mathrm{F}</math> :
: <math>\Delta \ell \propto \mathrm{F}</math>
que l'on écrit plus volontiers :
:<math>\mathrm{F}=-k\,\Delta\ell</math>
où <math>k</math> est la [[Raideur (mécanique)|raideur]] de la pièce, aussi appelée constante de rappel. C'est en fait la [[ressort (mécanique élémentaire)|loi des ressorts]]. Ici, le signe négatif signifie que la force s'oppose donc à toute déformation, et est donc de sens opposé à la déformation du ressort.

== Équation du mouvement d'une particule soumise à la force de Hooke en une dimension ==
L'équation différentielle qui traduit l'action de la force de Hooke sur la particule peut s'écrire :

:<math>m\ddot{x}=-kx</math>

où <math>m</math> est la masse de la particule, <math>x</math> est la position de la particule par rapport à son point d'équilibre (i.e. le point où il n'y a pas de force qui s'exerce sur la particule) et <math>\ddot{x}</math> est l'accélération de la particule. Une solution de cette équation peut s'écrire :

:<math>x=A\cos\left(\omega t+\delta\right)</math>

où <math>A</math> et <math>\delta</math> sont des paramètres déterminés par les conditions initiales du système et représentent l'amplitude du mouvement et une phase sur l'oscillation, respectivement. Ici, <math>\omega</math> est la fréquence angulaire et vaut <math>\sqrt{\frac{k}{m}}</math> et n'est donc dictée que par les caractéristiques du système. 

On reconnaît l'équation caractéristique de l'[[oscillateur harmonique]]. C'est en effet la loi de Hooke qui est à la base de ces oscillateurs.

== Contrainte et module de Young ==
Afin de s'abstraire de la forme de la pièce, et notamment de ses dimensions, on divise la [[Force (physique)|force]] <math>\mathrm{F}</math> par l'[[Aire (géométrie)|aire]] <math>\mathrm{S}</math> de la section droite de la pièce, on appelle ce ratio ''contrainte'' <math>\sigma</math>. La contrainte est une grandeur homogène à une pression et s'exprime en [[pascal (unité)|Pa]].

: <math>\sigma = \frac{\mathrm{F}}{\mathrm{S}}</math>

et on divise l'allongement <math>\Delta \ell</math> par la longueur initiale <math>\ell_0</math>, grandeur que l'on appelle ''déformation'' ou ''allongement relatif'' <math>\varepsilon</math> (sans dimension)

: <math>\varepsilon = \frac{\Delta \ell}{\ell_0} = \frac{\ell-\ell_0}{\ell_0}</math>

La loi de Hooke s'exprime alors sous la forme :

: <math>\sigma = \mathrm{E} \cdot \varepsilon</math>

où <math>\mathrm{E}</math> est le [[module de Young]] ou module d'élasticité, une caractéristique du [[matériau]] ; c'est l'équivalent en mécanique des milieux continus de la raideur d'un ressort.

Cette loi est valable pour l'étirement ou la compression d'une pièce, les autres dimensions étant libres de s'étendre.

{| class="wikitable"
|+ Unités utilisées
|-
! Grandeur !! [[uSI]] !! Unités<br /> conventionnelles
|-
| <math>\sigma</math> || Pa || kPa, MPa, GPa
|-
| <math>\mathrm{E}</math> || Pa || MPa, GPa
|-
| <math>\varepsilon</math> || 1 || %, ‰
|}

== Loi de Hooke généralisée ==
{{article détaillé| Tenseur des déformations| Tenseur des contraintes| Tenseur des constantes élastiques}}
Si l'on s'intéresse à un petit élément de matière subissant de petites déformations, alors sa loi de déformation est linéaire et réversible quelle que soit la sollicitation. On peut donc généraliser la loi de Hooke, en l'exprimant sous forme [[tenseur|tensorielle]] ou [[Matrice (mathématiques)|matricielle]]. Les contraintes et les déformations sont définies localement par deux [[tenseur]]s d'ordre 2 et de dimension 3, le [[tenseur des contraintes]] <math>[\sigma]</math> et le [[tenseur des déformations]] <math>[\varepsilon]</math> (de composantes <math>\sigma_{ij}</math> et <math>\varepsilon_{ij}</math> respectivement, avec <math>i</math> et {{nobr|1=<math>j</math> =}} 1, 2 ou 3), symétriques tous les deux (<math>\sigma_{ij}=\sigma_{ji}</math> et <math>\varepsilon_{ij}=\varepsilon_{ji}</math>).

=== Cas général ===
Le comportement élastique du matériau est modélisé par un tenseur <math>[C]</math> d'ordre 4 et de dimension 3 (de coefficients <math>C_{ijkl}</math>), de telle sorte que la relation entre contraintes et déformations s'écrit :
:<math>[\sigma]=[C]\cdot[\varepsilon]</math>
ou, en appliquant la [[convention de sommation d'Einstein]] (sommation implicite sur les indices répétés) :
:<math>\sigma_{ij}=C_{ijkl}\cdot\varepsilon_{kl}</math>

Le tenseur <math>[C]</math> comporte {{nobr|1=3{{4}} = 81}} coefficients, mais :
* les tenseurs <math>[\sigma]</math> et <math>[\varepsilon]</math> étant symétriques, le tenseur <math>[C]</math> vérifie les relations <math>C_{ijkl}=C_{jikl}=C_{ijlk}</math> ;
* de plus, en supposant que le tenseur des contraintes peut être dérivé d'une énergie potentielle, on peut montrer que le tenseur des constantes élastiques est invariant par permutation des paires d'indices : <math>C_{ijkl}=C_{klij}</math>.
L'existence de ces relations réduit le nombre de coefficients indépendants à 21. Il s'agit d'un nombre maximum, valable pour les réseaux cristallins sans symétrie autre que celle de translation ([[système réticulaire triclinique]]).

En ne considérant que les éléments indépendants de <math>[\sigma]</math> et <math>[\varepsilon]</math>, la relation <math>\sigma_{ij}=C_{ijkl}\cdot\varepsilon_{kl}</math> peut s'écrire :
:<math>\begin{pmatrix}
\sigma_{11} \\ \sigma_{22} \\ \sigma_{33} \\ \sigma_{23} \\ \sigma_{13} \\ \sigma_{12} \\
\end{pmatrix}=
\begin{pmatrix}
C_{1111} & C_{1122} & C_{1133}
 & C_{1123} & C_{1113} & C_{1112} \\
C_{2211} & C_{2222} & C_{2233}
 & C_{2223} & C_{2213} & C_{2212} \\
C_{3311} & C_{3322} & C_{3333}
 & C_{3323} & C_{3313} & C_{3312} \\
C_{2311} & C_{2322} & C_{2333}
 & C_{2323} & C_{2313} & C_{2312} \\
C_{1311} & C_{1322} & C_{1333}
 & C_{1323} & C_{1313} & C_{1312} \\
C_{1211} & C_{1222} & C_{1233}
 & C_{1223} & C_{1213} & C_{1212} \\
\end{pmatrix}
\begin{pmatrix}
\varepsilon_{11} \\ \varepsilon_{22} \\ \varepsilon_{33} \\ \varepsilon_{23} \\ \varepsilon_{13} \\ \varepsilon_{12} \\
\end{pmatrix}</math>
où la matrice 6×6 est symétrique : la [[Matrice triangulaire#Matrices triangulaires supérieures|matrice triangulaire supérieure]] comprend les 21 coefficients indépendants, les 15 termes restants étant symétriques par rapport à la diagonale.

Pour simplifier l'écriture, on adopte souvent une notation de 1 à 6, appelée [[notation de Voigt]], où les axes de compression/traction (indices 11, 22 et 33) sont renumérotés de 1 à 3, et les axes de cisaillement (23, 13 et 12) de 4 à 6 :
:<math>\begin{pmatrix}
\sigma_{1} \\ \sigma_{2} \\ \sigma_{3} \\ \sigma_{4} \\ \sigma_{5} \\ \sigma_{6} \\
\end{pmatrix}=
\begin{pmatrix}
C_{11} & C_{12} & C_{13}
 & C_{14} & C_{15} & C_{16} \\
C_{21} & C_{22} & C_{23}
 & C_{24} & C_{25} & C_{26} \\
C_{31} & C_{32} & C_{33}
 & C_{34} & C_{35} & C_{36} \\
C_{41} & C_{42} & C_{43}
 & C_{44} & C_{45} & C_{46} \\
C_{51} & C_{52} & C_{53}
 & C_{54} & C_{55} & C_{56} \\
C_{61} & C_{62} & C_{14}
 & C_{14} & C_{65} & C_{66} \\
\end{pmatrix}
\begin{pmatrix}
\varepsilon_{1} \\ \varepsilon_{2} \\ \varepsilon_{3} \\ \varepsilon_{4} \\ \varepsilon_{5} \\ \varepsilon_{6} \\
\end{pmatrix}</math>
où les 21 coefficients indépendants (matrice triangulaire supérieure) sont les éléments <math>C_{IJ}</math> pour lesquels <math>(1\le)\,I\le J\,(\le 6)</math>.

=== Matériau isotrope ===
Dans le cas d'un matériau [[Isotropie|isotrope]], si l'on reprend en compte le [[coefficient de Poisson]] <math>\nu</math>, la loi de Hooke devient :

: <math>\sigma_{ij} = \frac{\mathrm{E}}{1+\nu } \left( \varepsilon_{ij}+\frac{\nu }{1-2\nu }\varepsilon_{kk} \delta _{ij}\right)</math>

avec
* δ<sub>''ij''</sub> le [[symbole de Kronecker]] et
* ε<sub>''kk''</sub> la notation abrégée de la [[Trace (algèbre)|trace]] du tenseur des déformations (somme des termes diagonaux du tenseur). 

On peut aussi l'écrire sous forme matricielle :

: <math>\boldsymbol{\sigma} = \frac{\mathrm{E}}{1+\nu }\left( \boldsymbol{\varepsilon} +\frac{\nu }{1-2\nu }\mathrm{Tr}\left( \boldsymbol{\varepsilon} \right) \mathbf I \right) </math>

Les relations ci-dessus peuvent être inversées pour donner :

: <math>\varepsilon _{ij}=\frac{1}{\mathrm{E}} \left [ \left( 1+\nu \right) \sigma _{ij} - \nu\sigma_{kk} \delta _{ij} \right ]</math>

ou, sous forme matricielle (en appliquant la trace à la relation plus haut) :

: <math>\boldsymbol{\varepsilon} = \frac{1}{\mathrm{E}} \left ( ( 1+\nu ) \boldsymbol{\sigma} - \nu \mathrm{Tr} ( \boldsymbol{\sigma} ) \mathbf I \right )</math>

La forme explicite très simple de ces relations (donnant les déformations en fonction des contraintes)
: <math>\begin{pmatrix}
\varepsilon _{11} = \frac {1} {\mathrm{E}} \left( \sigma_{11} - \nu \left( \sigma_{22} + \sigma_{33} \right) \right) &
\varepsilon _{12} = \frac {1 + \nu} {\mathrm{E}} \sigma _{12} &
\varepsilon _{13} = \frac {1 + \nu} {\mathrm{E}} \sigma _{13}, \\[0.5em]
\cdots & \varepsilon _{22} = \frac {1} {\mathrm{E}} \left( \sigma_{22} - \nu \left( \sigma_{11} + \sigma_{33} \right) \right) &
\varepsilon _{23} = \frac {1 + \nu} {\mathrm{E}} \sigma _{23}, \\[0.5em]
\cdots & \cdots & \varepsilon _{33} = \frac {1} {\mathrm{E}} \left( \sigma_{33} - \nu \left( \sigma_{11} + \sigma_{22} \right) \right) \\
\end{pmatrix}</math>
montre bien la signification physique du module d'Young E et du coefficient de Poisson <math>\nu</math>.

== Propriétés et justification ==
De sa loi deux aspects sont importants :

# La linéarité,
# L'élasticité.

Ces deux aspects ne sont pas identiques, la linéarité exprime que l'allongement est proportionnel à la force, l'élasticité exprime que cet effet est réversible et permet de revenir à l'état initial tel un ressort soumis à de faibles forces. L'élasticité a une [[limite d'élasticité|limite]], qui est indépendante de la notion de linéarité, Hooke n'a considéré que la phase élastique et linéaire, donc proportionnelle et réversible.

La linéarité provient du fait que l'on est en faible déformation, on peut donc faire une [[Approximation affine|approximation linéaire]] de la loi réelle ([[développement limité]] au premier ordre). Il s'agit en fait d'approcher le potentiel interatomique par une [[parabole]], voir l'article ''[[Déformation élastique#Pourquoi les lois sont-elles linéaires ?|Déformation élastique > Pourquoi les lois sont-elles linéaires ?]]''.

Dans le cas d'une pièce de forme complexe, la loi de déformation globale n'a aucune raison d'être linéaire, mais par contre, chaque élément infinitésimal de matière se déforme, lui, de manière linéaire

== Loi similaire pour le cisaillement ==
[[Fichier:Parallelepipede cisaillement.png|thumb|Cisaillement]]

La loi de Hooke est une loi de déformation en traction/compression ; cependant, en [[Déformation élastique#Cisaillement|cisaillement]], on a une loi similaire :
: <math>\tau = \mathrm{G} \times \gamma</math>
où
* <math>\tau</math> est la cission ([[contrainte de cisaillement]]) ;
* <math>\mathrm{G}</math> est le [[module de cisaillement]] ou module de Coulomb, également noté μ ;
* <math>\gamma</math> est l'angle de déformation relative.

{| class="wikitable"
|+ Unités utilisées
|-
! Grandeur !! [[uSI]] !! Unités<br /> conventionnelles
|-
| <math>\tau</math> || Pa || MPa
|-
| <math>\mathrm{G}</math> || Pa || MPa, GPa
|-
| <math>\gamma</math> || rad || °
|}


== Histoire ==
Cette loi de comportement a été énoncée par [[Robert Hooke]], par la phrase en [[Latino sine flexione|latin]] :

: '''''ut tensio sic vis''''' (en [[1678]]<ref>
Référence original : 
{{ouvrage
|titre=Lectures De Potentia Restitutiva of springs, explaining the power of springing bodies
|lieu=Londres
|année=1678}}
</ref>{{,}}<ref>
{{ouvrage
|titre=Élasticité linéaire
|auteur= L. Solomon
|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=WgBAAQAAIAAJ
|année=1968
}}</ref> ; expériences datant de [[1675]])

ce qui signifie « telle extension, telle force », ou bien en termes modernes « l'allongement est proportionnel à la force ». Hooke désirait obtenir une théorie des ressorts, en soumettant ces derniers à des forces croissantes successives.

''Ut tensio sic vis'' est la [[devise (phrase)|devise]] de [[Polytechnique Montréal]].

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
 | wikiversity =Introduction à l'élasticité/La loi de Hooke
}}
=== Articles connexes ===
* [[Coefficient d'élasticité]]
* [[Plasticité et endommagement des polymères]]

=== Liens externes ===

{{Palette Modules élastiques}}
{{Portail|physique|matériaux}}

[[Catégorie:Mécanique des milieux continus]]
[[Catégorie:Loi en physique|Hooke]]