Voir la source de Matrice hessienne

En [[mathématiques]], la '''matrice hessienne''' (ou simplement la '''hessienne''') d'une fonction numérique <math>f</math> est la [[matrice (mathématiques)|matrice]] carrée, notée <math>H(f)</math>, de ses [[dérivée partielle|dérivées partielles]] secondes. Plus précisément, étant donnée une fonction <math>f</math> à valeurs réelles
:<math>f : \mathbb R^n \to \mathbb R ; (x_1,...,x_n)\mapsto f(x_1,...,x_n)</math>
dont toutes les dérivées partielles secondes existent, le coefficient d'indice <math>i, j</math> de la matrice hessienne <math>H(f)</math> vaut
:<math>H_{ij}(f) = \frac{\partial^2 f}{\partial x_i\partial x_j}</math>
En d'autres termes,
:<math>H(f) = \begin{bmatrix}
\frac{\partial^2 f}{\partial x_1^2} & \frac{\partial^2 f}{\partial x_1\partial x_2} & \cdots & \frac{\partial^2 f}{\partial x_1\partial x_n} \\
\frac{\partial^2 f}{\partial x_2\partial x_1} & \frac{\partial^2 f}{\partial x_2^2} & \cdots & \frac{\partial^2 f}{\partial x_2\partial x_n} \\
\vdots & \vdots & \ddots & \vdots \\
\frac{\partial^2 f}{\partial x_n\partial x_1} & \frac{\partial^2 f}{\partial x_n\partial x_2} & \cdots & \frac{\partial^2 f}{\partial x_n^2}
\end{bmatrix}</math> .

On appelle '''discriminant hessien''' (ou simplement '''hessien''') le [[Déterminant (mathématiques)|déterminant]] de cette matrice.

Le terme « hessien » a été introduit par [[James Joseph Sylvester]], en hommage au mathématicien allemand [[Ludwig Otto Hesse]].

Soit notamment <math>f</math> une fonction de classe <math>\mathcal C^2</math> définie sur un ouvert <math>U</math> de l'espace <math>E</math>, à valeurs réelles. Sa matrice hessienne est bien définie et en vertu du [[théorème de Schwarz]], elle est [[matrice symétrique|symétrique]].

On appelle '''forme hessienne''' la [[forme quadratique]] associée à la matrice hessienne.

== Application à l'étude des points critiques ==

[[Image:Saddle point.png|upright=1.4|thumb|Point col]]
On suppose <math>f</math> fonction de [[Classe de régularité|classe ''C''{{2}}]] sur un [[ouvert (topologie)|ouvert]] <math>U</math>. La matrice hessienne permet, dans de nombreux cas, de déterminer la nature des [[point critique (mathématiques)|points critiques]] de la fonction <math>f</math>, c'est-à-dire des [[Point d'annulation|points d'annulation]] du [[gradient]].

=== Condition nécessaire d'extremum local ===
* Si <math>a</math> est un point de minimum local de <math>f</math>, alors c'est un point critique et la hessienne en <math>a</math> est [[Matrice autoadjointe positive|positive]] (c'est-à-dire que la forme hessienne est positive).
* Si <math>a</math> est un point de maximum local de <math>f</math>, alors c'est un point critique et la hessienne en <math>a</math> est négative (c'est-à-dire que la forme hessienne est négative)<ref>Comme l'exemple des fonctions constantes le montre, la hessienne en un point de minimum local (resp. de maximum local) peut ne pas être définie positive (resp. définie négative).</ref>.

En particulier, si la hessienne en un point critique admet au moins une [[valeur propre]] strictement positive et une valeur propre strictement négative, le point critique est un [[point col]].

=== Condition suffisante d'extremum local ===
{{Article connexe|Loi d'inertie de Sylvester}}
Précisément, un point critique de <math>f</math> est dit '''dégénéré''' lorsque le discriminant hessien s'annule, autrement dit lorsque 0 est valeur propre de la hessienne. En un point critique non dégénéré, le signe des valeurs propres (toutes non nulles) détermine la nature de ce point (point d'extremum local ou point col) :

* si la hessienne est [[matrice définie positive|définie positive]], la fonction atteint un minimum local strict au point critique ;
* si la hessienne est définie négative, la fonction atteint un maximum local strict au point critique ;
* s'il y a des valeurs propres de chaque signe, le point critique est un [[point col]] (cf. ''supra'').

Dans ce dernier cas, on définit l'[[Loi d'inertie de Sylvester|indice]] du point critique comme la dimension maximale d'un sous-espace sur lequel la  hessienne est définie négative. C'est aussi le nombre de valeurs propres négatives.

En dimension deux notamment, le discriminant hessien étant le produit des valeurs propres, son signe suffit à déterminer la nature d'un point critique non dégénéré.

Enfin pour un point critique dégénéré, aucune de ces implications n'est vraie. L'un des exemples les plus simples de point critique dégénéré est la [[selle de singe]].

=== Courbe hessienne ===

Si <math>C</math> est la courbe algébrique d'équation projective (homogène) <math>f(x,y,z)=0</math>, on appelle '''courbe hessienne''' (ou simplement hessienne) de <math>C</math> la courbe dont l'équation projective est <math>|H(f)|(x,y,z)=0</math>, où <math>|H(f)|</math> est le hessien (le déterminant de la matrice hessienne) de <math>f</math>. La hessienne de <math>f</math> a pour intersection avec <math>C</math> les points critiques et les [[point d'inflexion|points d'inflexion]] de <math>C</math><ref>{{en}} G. Salmon, ''Higher Plane Curves'', Stechert (1934)</ref>. Si <math>C</math> est de degré <math>d</math>, sa hessienne est de degré <math>3(d-2)</math> ; d'après le [[théorème de Bézout]], le nombre des points d'inflexion d'une courbe régulière de degré <math>d</math> est donc <math>3d(d-2)</math>, ce qui est un cas particulier d'une des [[formule de Plücker|formules de Plücker]].

== Extension au cadre des variétés différentielles ==

Lorsque <math>M</math> est une [[variété différentielle]] et <math>f</math> une fonction numérique lisse sur <math>M</math>, il est possible de définir la différentielle <math>\mathrm d f</math> de <math>f</math> en tout point, mais pas la matrice hessienne, comme on le voit en écrivant une formule de changement de cartes. Cependant, lorsque <math>m</math> est un point critique pour la fonction <math>f</math>, la matrice hessienne de <math>f</math> en <math>m</math> peut effectivement être définie. On peut donc parler de point critique dégénéré ou non et prolonger les résultats du paragraphe précédent.

== Extension au cadre des variétés riemanniennes ==

Lorsque <math>(M,g)</math> est une [[variété riemannienne]] et <math>f\in \mathcal C^\infty(M;\mathbb R)</math>, la [[connexion de Levi-Civita]] <math>\nabla</math> de la [[métrique riemannienne]] <math>g</math> nous permet de définir le '''tenseur hessien'''
:<math>\mathrm{Hess}(f) \in \Gamma^\infty(T^*M \otimes T^*M) </math>
de <math>f</math> par :
:<math>\mathrm{Hess}(f):=\nabla \nabla f = \nabla df</math>
En coordonnées locales <math>\{x^i\}</math>, le tenseur hessien s'exprime comme :
:<math> \mathrm{Hess}(f)=\nabla_i\, \partial_j f \ dx^i \!\otimes\! dx^j = \left( \frac{\partial^2 f}{\partial x^i \partial x^j}-\Gamma_{ij}^k \frac{\partial f}{\partial x^k} \right) dx^i \otimes dx^j </math>
où les <math>\Gamma^k_{ij}</math> sont les [[symboles de Christoffel]] de la connexion <math>\nabla</math>.
Le tenseur hessien vérifie les deux propriétés suivantes :
:<math>\mathrm{Hess}(f)(X,Y)= g( \nabla_X \mathrm{grad}f,Y ) </math>
:<math>\mathrm{Hess}(f)(X,Y)=X(Yf) - \mathrm d f(\nabla_XY)</math>.

''Remarque :''
Si <math>m</math> un point critique de <math>f</math>, l'expression en coordonnées locales du tenseur hessien en <math>m</math> est :
:<math> \mathrm{Hess}(f)_m =  \left.\frac{\partial^2 f}{\partial x^i \partial x^j}\right|_{m} dx^i \otimes dx^j </math>
Les coefficients du tenseur hessien de <math>f</math> en un point critique <math>m\in \mathrm{crit}(f)</math> sont donc indépendants de la métrique riemannienne <math>g</math>.
Puisque toute variété différentielle <math>M</math> admet une métrique riemannienne auxiliaire, ceci confirme l'affirmation de la dernière section selon laquelle la matrice hessienne d'une fonction réelle lisse <math>f</math> sur <math>M</math> est bien définie en les points critiques de <math>f</math>.


=== Lemme de Morse ===

Le [[lemme (mathématiques)|lemme]] de [[Marston Morse|Morse]]<ref>{{en}} [[John Milnor]], ''Morse Theory'', Princeton University Press, 1963. {{ISBN|0-691-08008-9}}, {{p.|6}}.</ref> montre que le comportement d'une fonction régulière au voisinage d'un point critique non dégénéré est entièrement déterminé par la connaissance de l'indice du point critique.

{{Théorème|Lemme de Morse|Soit <math>f</math> une fonction <math>\mathcal C^\infty</math> sur une [[variété différentielle]] de dimension <math>n</math>. On considère un point critique non dégénéré <math>m</math> de la fonction <math>f</math>, et on note <math>k</math> son indice. Alors il existe un système de coordonnées locales <math> x_1, \dots, x_n</math> centré en <math>m</math> et tel que l'expression correspondante de <math>f</math> est
:<math>f(x)=f(m)-x_1^2-\cdots -x_k^2 +x_{k+1}^2+\cdots +x_n^2</math>}}

On qualifie un tel système de '''coordonnées de Morse'''.

Il résulte notamment du lemme que les points critiques non dégénérés sont [[Point isolé|isolés]].

Le lemme de Morse se généralise aux [[Espace de Hilbert|espaces de Hilbert]] sous le nom de {{Lien|fr=lemme de Morse-Palais|lang=en|trad=Morse–Palais lemma}}.

=== Théorie de Morse ===

{{article détaillé|Théorie de Morse}}

Une fonction dont tous les points critiques sont non dégénérés et toutes les valeurs critiques distinctes est appelée '''fonction de Morse'''. La [[théorie de Morse]] a pour objectif de relier l'étude de la topologie de la variété à celle des points critiques des fonctions qui peuvent y être définies.

== Notes et références ==
<references/>

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===

* [[Forme quadratique]]
* [[Matrice jacobienne]]
* [[Point critique (mathématiques)|Point critique]]
* [[Théorème de Sard]]
* [[Lemme de Hadamard]]

=== Lien externe ===
[http://w3.bretagne.ens-cachan.fr/math/people/gregory.vial/files/cplts/optimisation.pdf G. Vial, Mini-cours d’optimisation]

{{Palette|Matrices}}
{{portail|Analyse}}

[[Catégorie:Analyse à plusieurs variables]]
[[Catégorie:Matrice|Hessienne]]