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{{Nombres irrationnels}}
Un '''nombre rationnel''' est, en [[mathématiques]], un [[nombre]] qui peut s'exprimer comme le [[Fraction (mathématiques)|quotient]] de deux [[entier relatif|entiers relatifs]]. Les nombres rationnels non entiers (souvent appelés [[fraction (mathématiques)|fractions]]) sont souvent notés <math>\textstyle\frac{a}{b}</math>, où ''a'' et ''b'' sont deux entiers relatifs (avec ''b'' non nul). On appelle ''a'' le [[numérateur]] et ''b'' le [[dénominateur]].

Chaque nombre rationnel peut s'écrire d'une infinité de manières différentes, comme 1/2 = 2/4 = 3/6 = etc. Mais il existe une forme privilégiée, quand ''a'' et ''b'' n'ont pas de [[diviseur]] commun autre que 1 (ils sont [[Nombres premiers entre eux|premiers entre eux]]). Tout nombre rationnel non nul possède exactement une seule forme de ce type avec un dénominateur [[Nombre positif|positif]]. On parle alors de [[fraction irréductible]].

Le [[développement décimal]] d'un nombre rationnel est toujours [[Développement décimal périodique|périodique]] au bout d'une certaine décimale (par exemple dans le cas d'une écriture décimale finie, le rajout de [[zéro]]s assure la périodicité). Cela est vrai dans n'importe quelle [[Base (arithmétique)|base]]. Réciproquement, si un nombre possède un développement décimal périodique dans au moins une base, alors c'est un nombre rationnel. 

Un [[nombre réel]] qui n'est pas rationnel est dit [[Nombre irrationnel|irrationnel]]. L'[[ensemble]] des nombres rationnels est un [[corps commutatif]], noté '''Q''' ou ℚ (baptisé ainsi par [[Giuseppe Peano|Peano]] en 1895<ref name=Baudet2005-124/> d'après l'initiale du mot italien ''[[wikt:quoziente|quoziente]]'', le quotient). De par sa définition :
:<math> \Q= \left\{\left.\frac{m}{n}\right|(m,n) \in \Z\times (\Z\setminus\{0\}) \right\}</math>
où ℤ est l'[[anneau intègre|anneau]] des entiers relatifs.

== Développement décimal ==

Comme tous les [[nombre réel|réels]], les rationnels admettent une représentation en [[développement décimal]] '''illimité'''. Le développement décimal des nombres rationnels a la particularité d'être '''périodique'''. C'est-à-dire qu'il existe un suffixe constitué d'une séquence '''finie''' de chiffres se répétant '''continuellement'''. Cette séquence est appelée : « période du développement décimal illimité ».

Le développement décimal illimité d'un nombre réel, et ''a fortiori'' d'un nombre rationnel, est unique si on s'interdit de finir par une séquence périodique composée de ’9’. En effet, dans ce dernier cas, il existera une écriture équivalente se terminant par une période composée de ’0’, et mieux encore, un développement décimal limité équivalent.

Conventionnellement, lorsque nous écrivons un nombre avec les chiffres arabes dans le système décimal nous traçons, s'il y a lieu, une barre horizontale au-dessous de la séquence périodique. Il est aussi possible de mettre un point au-dessus de chaque chiffre de la période, mais cette notation est beaucoup moins utilisée.

Lorsqu'une période est indiquée nous devons faire référence à un nombre rationnel et c'est pour cette raison que d'une manière rigoureuse :

:<math>\frac13= 0{,}\underline{3}... = \lim_{x\rightarrow +\infty} \left( \sum_{n=1}^{x} \frac{3}{10^n} \right).</math>

Mais également :
{{Article détaillé | Développement décimal de l'unité }}

:<math>1 = 1{,}\underline{0}... = 0{,}\underline{9}... = 0{,}99999...</math>

Le développement décimal illimité d'un nombre rationnel est périodique et, réciproquement, un nombre à développement décimal périodique est toujours rationnel. Ce critère est néanmoins malcommode pour évaluer la rationalité d'un nombre. Un deuxième critère est donnée par la [[fraction continue]]. Un nombre est rationnel si et seulement si son développement en fraction continue est fini. Cette méthode est à l'origine des premières démonstrations de l'irrationalité de la base [[e (nombre)|{{math|e}}]] du [[logarithme népérien]] et de [[Pi|{{math|π}}]].

Ainsi, le nombre <math>0{,}12\,122\,1222\,12222...\,</math> (où l'on a des séquences de ’2’ de plus en plus longues) est irrationnel car il n'y a pas de période.

== Arithmétique des rationnels ==
{{article détaillé|Fraction (mathématiques)#Opérations sur les fractions{{!}}Opérations sur les fractions}}
Soient ''a, b, c, d'' quatre entiers, avec ''b'' et ''d'' non nuls.

Les deux nombres rationnels représentés par  ''a''/''b'' et ''c''/''d'' sont [[égalité (mathématiques)|égaux]] si et seulement si ''ad'' = ''bc''.

L'[[addition]] est donnée par : 
:<math>\frac a b+\frac c d=\frac{ad+bc}{bd}.</math>

On démontre que cette égalité ne dépend pas du choix des représentants  "a/b" et "c/d".

La [[multiplication]] par :
:<math>\frac a b\times\frac c d=\frac{ac}{bd}.</math>

L'[[opposé (mathématiques)|opposé]] et l'[[inverse]] par :
:<math>-\left(\frac a b\right)=\frac{-a}b=\frac a{-b}\quad\mbox{et}\quad\left(\frac a b\right)^{-1}=\frac b a\mbox{ si }a\ne0.</math>

On en déduit que le quotient est donné par :
:<math>\left(\frac a b\right)/\left(\frac c d\right)=\frac{ad}{bc}.</math>

== Fraction égyptienne ==
{{article détaillé|Fraction égyptienne}}

Tout nombre rationnel positif peut s'exprimer comme somme d'inverses d'entiers naturels distincts. Par exemple, on a :
:<math>\frac{5}{7} = \frac{1}{2} + \frac{1}{6} + \frac{1}{21}.</math>

== Construction formelle ==
{{article détaillé|Construction des nombres rationnels}}
[[Image:Konstruktionen_007.jpg|thumb|upright=1.5|Construction des nombres rationnels sur un tableau]]
On peut voir un nombre rationnel comme la [[Relation d'équivalence|classe d'équivalence]] d'une [[couple (mathématiques)|paire]] ordonnée d'entiers, par la relation d'équivalence suivante :
:<math>\forall \left(a,b\right) \in\Z\times(\Z\setminus\left\{0\right\})\quad\forall \left(c,d\right) \in\Z\times(\Z\setminus\left\{0\right\})\quad(a,b)\,\mathcal{R}\,(c,d) \Longleftrightarrow ad=bc.</math>

On note alors <math>\Q=\big(\Z\times(\Z\setminus\left\{0\right\})\big)/\mathcal{R}</math>, c'est-à-dire que l'ensemble des nombres rationnels est le [[ensemble quotient|quotient]] de <math>\Z\times(\Z\setminus\left\{0\right\})</math> par la relation d'équivalence.

On peut ensuite [[injection (mathématiques)|injecter]] les entiers dans les rationnels, et définir des [[loi de composition interne|lois de composition interne]] pour se donner une structure de corps.

Cette construction est valable à partir de n'importe quel [[anneau intègre]], on parle alors de [[corps des fractions]].

== Propriétés ==
[[Fichier:Diagonal argument.svg|thumb|right|240px|La dénombrabilité des rationnels strictement positifs]]
*L'ensemble ℚ, muni des lois d'addition et de multiplication données plus haut, forme un [[corps commutatif]], le [[corps des fractions]] des entiers ℤ. 
*Les rationnels sont le plus petit corps de [[Caractéristique d'un anneau|caractéristique]] nulle. Tout autre corps de caractéristique nulle contient une copie de ℚ.
*La [[clôture algébrique]] de ℚ, c'est-à-dire le corps des racines des [[polynôme formel|polynômes]] à coefficients rationnels est l'ensemble des [[nombre algébrique|nombres algébriques]].
*ℚ est [[Partie dense|dense]] dans ℝ [[Construction des nombres réels|par construction même de ℝ]]. Plus « concrètement »<!--(?)-->, pour tout réel <math>x</math>, la suite <math>u</math> définie par{{retrait|<math>\forall n\in\N\qquad u_n=\frac{E(10^n \times x)}{10^n}</math>}}(où <math>E</math> est la fonction [[partie entière]]) est à valeurs rationnelles (et même [[nombre décimal|décimales]]) et [[suite convergente|tend vers]] <math>x</math>, puisque{{retrait|<math>0\le x-u_n<10^{-n}.</math>}}
*Du point de vue de l'[[approximation diophantienne]], les rationnels sont les réels les moins bien approximables : pour plus de détails, voir « [[Mesure d'irrationalité]] ».
*L'ensemble des rationnels est [[ensemble dénombrable|dénombrable]]. Or par l'[[argument de la diagonale de Cantor]], nous savons que le corps des [[nombre réel|nombres réels]] ne l'est pas. On dit alors que les nombres réels sont [[Ensemble négligeable|presque tous]] irrationnels, au sens de la [[mesure de Lebesgue]]. On dit que ℚ est un [[ensemble négligeable]]. La fonction ''f'' suivante, bijective de ℕ dans ℚ{{exp|+}}, donne tous les nombres rationnels positifs ou nuls, avec le numérateur et le dénominateur toujours premiers entre eux par construction. Elle est inspirée des [[suite de Farey|suites de Farey]] ou de la [[suite diatomique de Stern]] :{{retrait|<math>\begin{cases}
f(0) = 0 \\
f(2n) = \frac1{f(n)+1} \\
f(2n+1) = f(n)+1.
\end{cases}</math>}}Elle s'inverse par la fonction ''g'' suivante :{{retrait|<math>\begin{cases}
g(0) = 0 \\
g\left(\dfrac pq\right)=\begin{cases} 2g(\frac{q-p}{p}), & \text{si }q>p \\ 2g(\frac{p-q}{q})+1, & \text{si }q \le p. \end{cases}
\end{cases}</math>}}

== Topologie ==
Muni de la [[topologie de l'ordre]] usuel, ℚ est un [[corps topologique]]. Cela signifie que les opérations arithmétiques sont continues. L'addition est de plus compatible avec l'ordre (on parle de [[groupe ordonné]]).

=== Limitations ===
Par contre, ℚ ne possède pas la [[propriété de la borne supérieure]] : l'ensemble des nombres rationnels ''x'' tels que {{nobr|''x''{{2}} < 2}} est majoré mais ne possède pas de plus petit majorant.

D'autre part, ℚ n'est pas un [[espace complet]] : il existe des [[suite de Cauchy|suites de Cauchy]] de nombres rationnels qui ne convergent pas vers un nombre rationnel, comme la suite (''x<sub>n</sub>'') définie par récurrence suivant la [[méthode de Héron]] :
* ''x''<sub>0</sub> = 1
* pour tout ''n'' entier naturel non nul : ''x''<sub>''n''+1</sub> = {{sfrac|''x''<sub>''n''</sub> |2}} + {{sfrac|1|''x<sub>n</sub>''}}.

Ces deux limitations montrent notamment que des nombres essentiels en mathématiques, comme [[racine carrée de deux|{{sqrt|2}}]] ou [[pi (nombre)|{{math|π}}]], ne sont pas rationnels. Cela conduit à compléter ℚ en construisant un ensemble plus grand, qui possède la propriété de la borne supérieure et dans lequel toute suite de Cauchy converge : l'ensemble des [[nombre réel|nombres réels]].

{{article détaillé|Construction des nombres réels}}

== Nombre ''p''-adique ==

On peut munir ℚ d'une autre métrique. 

Soit <math>p</math> un [[nombre premier]]. On pose :
*pour tout entier non nul <math>a</math>, <math>|a|_p = p^{-n},</math> où <math>p^n</math> est la plus grande puissance de <math>p</math> [[diviseur|divisant]] <math>a</math>,
*<math>|0|_p = 0</math>.
La fonction ainsi définie est [[Fonction multiplicative|complètement multiplicative]], ce qui permet de poser sans ambiguïté, pour tout nombre rationnel <math>a/b</math> :
*<math>\left|\frac ab\right|_p = \frac{|a|_p}{|b|_p}</math>.
Alors <math>d_p\left(x, y\right) = |x - y|_p</math> définit un espace métrique. 

L'espace métrique <math>\left(\Q,d_p\right)</math> n'est pas complet, et sa complétion est le [[nombre p-adique|corps ℚ{{ind|''p''}} des nombres ''p''-adiques]]. Le [[théorème d'Ostrowski]] montre que toute valeur absolue non triviale sur ℚ est [[équivalence des distances|topologiquement équivalente]] soit à la valeur absolue usuelle, soit à une valeur absolue ''p''-adique.

== Référence==

<references>
<ref name="Baudet2005-124">[[Jean C. Baudet]] (2005), ''Mathématique et Vérité. Une philosophie du nombre'', Paris, éd. L'Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », {{ISBN|978-2-296-39195-6}}, partie « Mais c'est quoi, un nombre ? », chap. « Les ensembles de nombres », note 11, p. [https://books.google.fr/books?id=M-eZiehB1HsC&output=html&q=%22Peano+en+1895+de+l%27italien+quoziente%22&pg=PA124 124] : {{Citation|L'ensemble des nombres rationnels est généralement désigné par la lettre Q. […] Notation proposée par Giuseppe Peano en 1895, de l'italien ''{{Langue|it|quoziente}}'' (quotient).}}</ref>
</references>

== Voir aussi ==
[[Arbre de Stern-Brocot]]
{{Palette|Notion de nombre}}

{{Portail|théorie des nombres}}

[[Catégorie:Type de nombres|Rationnel]]
[[Catégorie:Théorie des corps]]
[[Catégorie:Fraction]]