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En [[thermodynamique hors équilibre]], les '''relations de réciprocité d'Onsager''' ou '''relations de réciprocité d'Onsager-Casimir''' caractérisent les coefficients phénoménologiques qui apparaissent dans les relations qui relient les flux de [[Extensivité et intensivité (physique)|variables extensives]] caractérisant le système considéré aux [[Potentiel thermodynamique|affinités thermodynamiques]] correspondantes.

Elles ont été établies par [[Lars Onsager]]<ref name="Onsager1">{{article|langue=en| nom=[[Lars Onsager]]|titre= Reciprocal Relations in Irreversible Processes. I. |périodique=[[Physical Review]]|volume=37|date= 1931|pages=405|doi = 10.1103/PhysRev.37.405}}</ref>{{,}}<ref name="Onsager2">{{article|langue=en| nom=[[Lars Onsager]]|titre= Reciprocal Relations in Irreversible Processes. II. |périodique=[[Physical Review]]|volume=38|date= 1931|pages=2265|doi = 10.1103/PhysRev.38.2265}}</ref> en 1931 et précisées par [[Hendrik Casimir]]<ref name="Casimir">{{article|langue=en| nom=[[Hendrik Casimir]]|titre= On Onsager's Principle of Microscopic Reversibility |périodique=[[Reviews of Modern Physics]]|volume=17|date= 1945|pages=343|doi = 10.1103/RevModPhys.17.343}}</ref> en 1945.

Comme d'autres relations de ce type, par exemple le [[principe de Curie]], elles sont l'expression des propriétés d'[[Théorème de Noether (physique)|invariance]] ou de [[Symétrie (physique)|symétrie]] de ces systèmes. Dans ce cas précis, il s'agit de l'[[Théorème de Noether (physique)|invariance]] par renversement du temps.

== Exemple ==
Les exemples de relations flux-affinités sont très nombreux dans la physique. Ces relations peuvent être directes comme la relation flux de chaleur - gradient de température dans un milieu quelconque ([[conduction thermique]], associée à la [[loi de Fourier]]), flux de masse - gradient de concentration des espèces dans un fluide ([[Diffusion de la matière|diffusion]], associée à la [[loi de Fick]]). Mais il peut aussi y avoir des relations croisées flux de chaleur - gradient de concentration de masse ([[effet Dufour]]) et flux de masse - gradient de température ([[effet Soret]]).

Le problème est de savoir si tous les coefficients phénoménologiques qui apparaissent dans ces équations sont ou non liés entre eux.

== Potentiels thermodynamiques, affinités et flux ==
=== Dans l'exemple précédent ===
Le potentiel thermodynamique fondamental est l'[[énergie interne]]. Dans un système fluide, <math>u</math> dépend de la densité de matière <math>r</math> et de la densité d'[[entropie (thermodynamique)|entropie]] <math>S</math> de la façon suivante
<br />
<center><math>\mathrm{d}u=T\mathrm{d}S+m\mathrm{d}r ~</math></center>
où <math>T </math> est la température et <math>m </math> le potentiel chimique. Nous pouvons écrire :
<center><math>\mathrm{d}S={1\over T}\mathrm{d}u-{m\over T}\mathrm{d}r</math></center>
les quantités extensives u et r sont conservées et leurs flux satisfont aux [[équations de conservation]] :
<center>
<math>
\begin{array}{rcl}
\partial_t u+\nabla . \,\mathbf{J}_u & = & 0 \\   [0.6em]
\partial_t r+\nabla . \,\mathbf{J}_r & = & 0
\end{array}
</math>
</center>
où <math>\partial_t</math> indique la dérivée partielle par rapport à la variable t et <math>\nabla \cdot \mathbf{J}</math> la divergence du flux de densité '''J'''.
Les gradients des variables conjuguées de u et de r, qui sont 1/T et -m/T sont les [[Potentiel thermodynamique|affinités thermodynamiques]] (en anglais ''thermodynamic forces'') et elles provoquent l'apparition de flux des variables extensives correspondantes, mais également des termes croisés dans la relation entre affinités et flux :
<center>
<math>
\begin{array}{rcl}
J_u & = & L_{uu} \nabla \left({1\over T}\right)+L_{ur} \nabla \left(-{m\over T}\right)   \\   [0.6em]
J_r & = & L_{ru} \nabla \left({1\over T}\right)+L_{rr} \nabla \left(-{m\over T}\right)
\end{array}
</math>
</center>
La relation de réciprocité de Onsager établit la relation existante entre les coefficients cinétiques <math> L_{ur}</math> et <math> L_{ru}</math>.

=== Formulation générale ===

Par la suite on adopte la [[convention de sommation d'Einstein]].

Soit <math>E_i</math> un jeu de variables extensives dont dépend une entropie <math> S </math>. Dans l'analyse suivante, ces symboles réfèreront à la densité  de ces quantités thermodynamiques. Alors

<center> <math>\ dS=I_{i}dE_{i}\,,\;\;\;I_{i} :=\frac{\partial{S}}{\partial{E_{i}}}</math></center>
On définit ainsi les quantités intensives <math>I_i</math> conjuguées des quantités extensives <math>E_i</math>.
Les gradients de ces quantités sont les affinités :

<center> <math> \mathbf{F}_{i} = \nabla{I_{i}} \! </math></center>
Les flux '''J'''<sub>i</sub> et les variables intensives E<sub>i</sub> sont liés par les équations de continuité :
<center> <math> \partial_{t}E_{i} + \nabla \cdot \mathbf{J}_{i} = 0 \! </math></center>

L'[[Entropie (thermodynamique)|entropie]] étant une fonction régulière<ref name="Callen">{{ouvrage|langue=en|nom=[[Herbert Callen]]|titre=Thermodynamics and an Introduction to Thermostatistics|année=1985|éditeur= [[John Wiley & Sons|Wiley]]| ISBN=0-471-86256-8}}</ref>, on peut écrire pour des petits écarts à l'équilibre thermodynamique :
<center> <math>\ \mathbf{J}_{i}=L_{ij}\mathbf{F}_{j}</math> </center>

La production d'entropie s'écrit<ref>{{ouvrage|langue=en|nom1=Sybren Ruurds de Groot|nom2=[[Peter Mazur]]|titre=Nonequilibrium Thermodynamics|éditeur= [[Dover Publications|Dover]]|année=2011|ISBN=0-486-64741-2}}</ref> :
<center> <math>\sigma=L_{jk}\,\mathbf{F}_{j}\cdot \mathbf{F}_{k} \ge 0</math> </center>
On en déduit que la matrice des L<sub>jk</sub> est définie positive et que les termes diagonaux L<sub>jj</sub> sont positifs ou nuls.

== Relations d'Onsager-Casimir ==
La relation la plus générale est obtenue dans le cadre de la [[physique statistique hors d'équilibre]] et s'exprime sous la forme suivante :
{| border=1 cellpadding=10 style="border-collapse:collapse"
|-----
| bgcolor="#fff8ff" |
''Le coefficient cinétique L<sub>jk</sub> est tel que, en présence d’un [[champ magnétique]] '''B''' et d’une [[vitesse angulaire]] '''ω''', le coefficient cinétique traduisant l’influence de l'affinité '''F<sub>j</sub>''' sur le flux '''J<sub>k</sub>''' est relié à celui qui traduit l’influence de l'affinité '''F<sub>k</sub>''' sur le flux '''J<sub>j</sub>''' par :''
<center><math>L_{kj}(\mathbf{B},\boldsymbol{\omega})=\epsilon_j\epsilon_kL_{jk}(-\mathbf{B},-\boldsymbol{\omega})</math></center>
''où <math>\epsilon=\pm 1</math> est la signature de la variable correspondante dans un retournement du temps : ε=1 si la variable est inchangée par l'opération <math>t\mapsto -t</math>, ε=-1 sinon.''
|}</center>

La démonstration des relations d'Onsager repose sur l'analyse des fluctuations cinétiques du milieu. Elle sera faite dans l'hypothèse où il n'y a ni rotation, ni champ magnétique.

=== Les coefficients cinétiques ===
Soit x<sub>i</sub> l'écart à l'équilibre du aux fluctuations statistiques des N variables extensives E<sub>i</sub> et dS(x<sub>i</sub>) l'écart à l'équilibre correspondant S(E<sub>i</sub>) pour l'entropie. Cet écart est supposé suffisamment faible pour que l'on puisse linéariser les équations. La probabilité d'un ensemble d'écarts {x<sub>i</sub>} est proportionnelle au nombre de micro-états, donné par la [[Formule de Boltzmann|loi de Boltzmann]] :
<center><math>p(x_i)=Ce^{\frac{S}{k}}</math></center>
S est une fonction positive, [[Fonction convexe|concave]], continûment différentiable<ref name="Callen"/> et l'équilibre est défini par <math>\left.\frac{\partial S}{\partial E_i}\right|_{S=S_0}=0\,,\;\;\;\forall i</math>

On peut donc écrire un développement en [[série de Taylor]] conduisant à une [[Fonction gaussienne|distribution gaussienne]] :
<center><math>p\simeq Ce^{\frac{S_0}{k}}e^{-\frac{1}{2}\beta_{ik}x_ix_k}\,,\;\;\;\beta_{ik}=-\frac{1}{k}\frac{\partial^2 S}{\partial x_i \partial x_k}</math></center>

la matrice '''β'''=(β<sub>ik</sub>) est symétrique [[Matrice définie positive|définie positive]] et la normalisation de p permet d'obtenir la constante<ref name="Landau">{{ouvrage|langue=en|auteur1=[[Lev Landau]]|auteur2= [[Evgueni Lifchits]]|titre=Course of Theoretical Physics Volume 5|sous-titre=Statistical Physics|éditeur=[[Pergamon Press]]|année=1969|url=https://ia600709.us.archive.org/19/items/ost-physics-landaulifshitz-statisticalphysics/LandauLifshitz-StatisticalPhysics.pdf}}</ref> :
<center><math>\int_{-\infty}^\infty ...\int_{-\infty}^\infty p\,\mathrm{d}x_1...\mathrm{d}x_N=1\;\;\;\Rightarrow\;\;\;Ce^{\frac{S_0}{k}}=\frac{\sqrt{\det \boldsymbol{\beta}}}{(2\pi)^{\frac{N}{2}}}</math></center>
Les quantités thermodynamiques conjuguées sont :
<center><math>Y_i=-\frac{\partial S}{\partial x_i}=\beta_{ik}x_k</math></center>
On peut exprimer sous forme de développement les dérivées temporelles et faire apparaître les coefficients cinétiques ('''β''' est inversible):
<center><math>\dot{x}_i=\lambda_{ik}x_ix_k=-L_{ik}Y_k\,,\;\;\;L_{ik}=\lambda_{ij}(\boldsymbol{\beta}^{-1})_{jk}</math></center>

=== Corrélations temporelles ===
Les relations ci-dessus permettent de calculer par intégration les corrélations temporelles entre x<sub>i</sub> et Y<sub>k</sub><ref name="Landau"/> :
<center><math>\overline{x_iY_k}=\delta_{ik}</math></center>

Les x<sub>i</sub> sont des quantités microscopiques invariantes par renversement du temps. On peut donc écrire leurs moyennes temporelles de la façon suivante :
<center><math>\overline{x_i(t)x_k(t+\tau)}=\overline{x_i(t+\tau)x_k(t)}</math></center>
En dérivant par rapport à τ et en faisant τ=0 dans l'expression obtenue il vient :
<center><math>\overline{x_i\dot{x}_k}=\overline{\dot{x}_ix_k}</math></center>
En remplaçant les dérivées par leurs valeurs ci-dessus on obtient :
<center><math>\overline{x_iL_{kj}Y_j}=\overline{L_{ij}Y_j{x}_k}</math></center>
or :
<center><math>\overline{x_iL_{kj}Y_j}=L_{kj}\overline{Y_j{x}_j}=L_{kj}\delta_{ij}=L_{ki}</math></center>
En faisant de même sur le second membre on obtient la relation de réciprocité d'Onsager :
<center><math>L_{ki}=L_{ik}</math></center>
Dans le cas où l'une des fluctuations x<sub>i</sub> change de signe par retournement du temps, par exemple parce qu'elle est proportionnelle à une vitesse, la relation de corrélation devient :
<center><math>\overline{x_i\dot{x}_k}=-\overline{\dot{x}_ix_k}</math></center>
D'où :
<center><math>L_{ki}=-L_{ik}</math></center>
On peut généraliser simplement cela à un certain nombre de variables en introduisant la notion de signature par rapport à l'action de retournement du temps.

Lorsqu'un champ magnétique où une rotation est présente l'[[Théorème de Noether (physique)|invariance]] n'est réalisée qu'à condition d'inverser le signe des vecteurs correspondants.

== Bibliographie ==
<references/>
=== Voir aussi ===
* {{ouvrage|nom = Noëlle Pottier|titre=Physique statistique hors d'équilibre |éditeur=[[EDP Sciences]]/[[CNRS Éditions]] |année=2007|isbn=978-2-86883-934-3}}
* {{lien web|auteur=Patrick Puzo|titre=Thermodynamique classique|sous-titre=Thermodynamique hors d’équilibre et extensions|url=https://users.lal.in2p3.fr/puzo/thermo/cours_thermo.pdf Le régime linéaire de la thermodynamique hors d'équilibre}}

=== Articles connexes ===
* [[Physique statistique hors d'équilibre]]
* [[Thermodynamique hors équilibre]]

{{Portail|physique|chimie}}

[[Catégorie:Thermodynamique]]