Voir la source de Théorème de Frobenius (géométrie différentielle)

{{voir homonymes|Théorème de Frobenius}}

Le '''théorème de Frobenius''' donne une condition nécessaire et suffisante d'intégrabilité locale d'un système d'[[équation aux dérivées partielles|équations aux dérivées partielles]] du premier ordre dont le membre de droite dépend des variables, des inconnues, mais ne dépend pas de dérivées partielles de ces inconnues : un tel système d'équations aux dérivées partielles est appelé un « système de Pfaff ». Les fonctions du second membre sont supposées seulement de classe <math>C^1</math>, ce qui rend impossible l'application du [[théorème de Cauchy-Kowalevski]], qui suppose ces fonctions analytiques. Le théorème de Frobenius a des liens étroits avec le [[lemme de Poincaré]] pour les 1-formes, ce lemme indiquant alors sous quelle condition une 1-forme différentielle <math>\omega</math> est localement exacte. Le théorème de Frobenius conduit à considérer les « variétés intégrales » de la [[géométrie différentielle]] et peut s'exprimer dans ce langage. Ces variétés intégrales conduisent à la notion de [[feuilletage]]<ref>{{harvsp|Leborgne|1982}}, Sect. 4.5</ref>. Le « théorème de Frobenius » a en réalité été établi par {{Lien|fr=Feodor Deahna|lang=en|trad=Feodor Deahna}} en 1840, dans un article approfondissant les travaux de [[Johann Friedrich Pfaff]] et de [[Charles Gustave Jacob Jacobi]] sur les équations aux dérivées partielles du premier ordre (remontant quant à eux à 1815 et 1827 respectivement) et qui est passé inaperçu jusqu'à ce que [[Ferdinand Georg Frobenius]] l'exhume en 1875<ref>Sur l'histoire complexe du théorème de Frobenius et du lemme de Poincaré, voir {{harvsp|Samelson|2001}}.</ref>. Les théorèmes de {{Lien|fr=Wei-Liang Chow|lang=en|trad=Wei-Liang Chow}} et de Hector Sussmann, datant de 1940 et 1973 respectivement<ref>{{harvsp|Chow|1940-1941}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Sussmann|1973}}</ref>, étudient l'existence de variétés intégrales pour des « ''p''-champs » singuliers ; ils sont, comme le théorème de Frobenius, très utilisés pour étudier la [[Représentation d'état#Commandabilité, observabilité|commandabilité]] des systèmes non linéaires<ref>{{harvsp|Jurdjevic|1997}}</ref> (le lien entre cette question de commandabilité et le théorème de Frobenius a en premier lieu été noté par {{Lien|fr=Robert Hermann|lang=en|trad=Robert Hermann (mathematician)}} en 1963).

== Théorème de Frobenius : formulation « fonctionnelle » ==

Soit ''U'' un ouvert de <math>\mathbb R^p</math>, ''V'' un ouvert de <math>\mathbb R^{n-p}</math>, et, pour tout ''k'', <math>1\le k\le {n-p}</math>, une fonction <math>B^k:U\times V\rightarrow \mathbb R</math> de classe <math>C^r</math> (<math> 1 \le r \le + \infty</math>). Considérons de système d'équations aux dérivées partielles, ou « système de Pfaff »

(F)::<math>\frac{\partial v^{k}}{\partial x^{h}}=B_{h}^{k}\left(
x^{1},...,x^{p},v^{1},...,v^{n-p}\right) \quad \left( 1\leq k\leq
n-p,1\leq h\leq p\right) .</math>

Une ''variété intégrale'' de ce système, si elle existe, est une sous-variété de ''N'' de <math>U\times V</math>, de classe <math>C^{r}</math>, définie par la représentation paramétrique

(RP):: <math>x^{p+k}=v^k\left(x^1,...,x^p\right)</math>

sur laquelle s'annulent donc les 1-formes différentielles (ou « formes de Pfaff ») linéairement indépendantes

:: <math>\omega^{k}=dx^{p+k}-\sum\limits_{h=1}^{p}\frac{\partial v^{k}}{
\partial x^{h}}dx^{h}</math>

Résoudre le système de Pfaff (F) équivaut à déterminer une variété intégrale ''N'' de ce système, et (F) admet une solution si, et seulement si une telle variété intégrale existe.

{{Théorème|Théorème de Frobenius sous forme fonctionnelle|Les conditions suivantes sont équivalentes : (1) Pour tout point <math>(x_0,v_0)\in U\times V</math> il existe un voisinage ouvert <math>S \subset U</math> de <math>x_0</math>, un voisinage ouvert <math>T \subset V</math> de <math>v_0</math>, et une unique fonction ''v'' de classe <math>C^r</math>, de ''S'' dans ''T'', solution de (F) et telle que <math>v(x_0)=v_0</math>. (2) Les fonctions <math>B^{k}</math> vérifient dans <math>U\times V</math> la « condition d'intégrabilité de Frobenius »

::<math>\frac{\partial B_{h}^{k}}{\partial x^{l}}+\sum_{j=1}^{n-p}\frac{\partial
B_{h}^{k}}{\partial v^{j}}B_{l}^{j}=\frac{\partial B_{l}^{k}}{\partial x^{h}}
+\sum_{j=1}^{n-p}\frac{\partial B_{l}^{k}}{\partial v^{j}}B_{h}^{j}</math>

:::<math>\left( 1\leq k\leq n-p,1\leq l\leq p,1\leq h\leq p\right) .</math>
}}

{{Démonstration|La condition est nécessaire, car s'il existe une telle fonction ''v'', elle est nécessairement de classe <math>C^{r+1}</math> (avec la convention que <math>+\infty+1=+\infty</math>). Alors, d'après le [[théorème de Schwarz]], <math>\frac{\partial ^{2}v^{k}}{
\partial x^{h}\partial x^{l}}=\frac{\partial ^{2}v^{k}}{\partial
x^{l}\partial x^{h}}</math>.

Or, <math>\frac{\partial ^{2}v^{k}}{\partial x^{h}\partial x^{l}}=\frac{\partial
B_{h}^{k}}{\partial x^{l}}+\sum_{j=1}^{n-p}\frac{\partial B_{h}^{k}}{
\partial x^{j+p}}\frac{\partial v^{j}}{\partial x^{l}}=\frac{\partial
B_{h}^{k}}{\partial x^{l}}+\sum_{j=1}^{n-p}\frac{\partial B_{h}^{k}}{
\partial x^{j+p}}B_{l}^{j}</math>, et la condition de Frobenius en résulte.

Réciproquement, la condition d'intégrabilité Frobenius équivaut à <math>d\omega^k=0</math> avec

:: <math>\omega^{k}\left( x^{1},...,x^{n}\right)
=dx^{p+k}-\sum\limits_{h=1}^{p}B^k_{h}\left( x^{1},...,x^{n}\right) dx^{h}</math>.

Le [[lemme de Poincaré]] implique alors l'existence de fonctions <math>f^k</math>, définies dans un voisinage ouvert [[Lemme de Poincaré|contractile]] suffisamment petit ''W'' de <math>\left(x_0,v_0\right)</math>, telles que <math>\omega^k=df^{k}  \left ( 1\le k \le n-p \right )</math>. La variété <math>N \cap W</math> est donc définie par les équations

(EI):: <math>f^{k}\left(x^1,...,x^p,x^{p+1},...,x^{n} \right)=f^{k}\left(x^1_0,...,x^p_0,v^1_0,...,v^{{n-p}} _0\right).</math>

Puisque les <math>df^{k}</math> sont linéairement indépendantes, le [[théorème des fonctions implicites]] implique l'existence d'un voisinage <math>S \times T \subset W</math> de <math>\left( x_0, v_0 \right )</math> et de fonctions <math>v^{k} \left ( 1\le k \le n-p \right )</math> de classe <math>C^{r}</math>, définies de manière unique, telles que les équations (EI) équivalent à (RP) dans <math>S \times T</math> ; ces fonctions vérifient <math>v(x_0)=v_0</math>.}}

=== Remarque ===

Il existe une généralisation de ce théorème au cas où <math>\mathbb R^p</math> et <math>\mathbb R^{n-p}</math> sont remplacés par des espaces de Banach<ref>{{harvsp|Dieudonné|1969-1971}}, vol. 1, Sect. X.9.</ref>.

== Crochets de Lie ==

{{Article détaillé|Dérivée de Lie}}

Désormais, <math>r=+\infty</math> et toutes les [[variété différentielle|variétés différentielles]] (qu'on appellera simplement ''variétés'') sont de classe <math>C^\infty</math>. Soit ''M'' une variété de dimension ''n''. On désigne par <math>\mathcal E_0\left(M\right)</math> la <math>\mathbb R</math>-algèbre des fonctions indéfiniment dérivables sur la variété ''M'' et par <math>\mathcal T^1_0\left(M\right)</math> le <math>\mathcal E_0\left(M\right)</math>-module des [[champ de vecteurs|champs de vecteurs]] de classe <math>C^\infty</math> sur ''M''. Par définition, <math>\mathcal T^1_0\left(M\right)</math> est l'ensemble des sections du [[fibré tangent]] <math>T\left(M\right)</math>.

* Soit <math>f\in \mathcal E_0\left(M\right), X\in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math>. La [[dérivée de Lie]] de ''f'' suivant le champ de vecteurs ''X'' est <math>\mathcal{L}_{X}.f=\left\langle df,X\right\rangle \in \mathcal E_0\left(M\right)</math>, où <math>df</math> est la [[différentielle]] de ''f''. L'opérateur <math>\mathcal{L}_{X}</math> est une [[dérivée#Dérivée algébrique|dérivation]] de l'algèbre <math>\mathcal E_0\left(M\right)</math>.
* Étant donné <math>X,Y \in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math>, il existe un élément de <math>\mathcal T^1_0\left(M\right)</math>, déterminé de manière unique et noté <math>\left[X,Y\right]</math>, appelé le [[Dérivée de Lie#Définition du crochet de Lie|crochet de Lie]] de ''X'' et de ''Y'', tel que <math>\mathcal{L}_{\left[ X,Y\right] }=\mathcal{L}_{X}\circ \mathcal{L}_{Y}-
\mathcal{L}_{Y}\circ \mathcal{L}_{X}</math>.

* Le crochet de Lie est une application <math>\mathbb R</math>-bilinéaire antisymétrique de <math> \mathcal T^1_0\left(M\right)\times \mathcal T^1_0\left(M\right)</math> dans <math>\mathcal T^1_0\left(M\right)</math>. Soit <math>c=\left(U,\xi, n\right)</math> une carte de ''M'', <math>r=\left( \mathbf{s}_{i}\right) _{1\leq i\leq n}</math> un repère de classe <math>C^\infty</math> au-dessus de ''U'' et <math>X,Y \in \mathcal T^1_0\left(U\right)</math> deux champs de vecteurs de coordonnées <math>X^{i},Y^{j} \in \mathcal E_0\left(U\right)</math> dans ce repère. Les coordonnées <math>Z^{i}\in  \mathcal E_0\left(U\right)</math> de <math>Z=\left[X,Y\right]</math> dans le repère ''r'' sont alors

::<math>Z^{i}=\sum\limits_{j=1}^{n}\left( \frac{\partial Y^{i}}{\partial \xi ^{j}}
X^{j}-\frac{\partial X^{i}}{\partial \xi ^{j}}Y^{j}\right) </math>.

* Le crochet de Lie a la « propriété fonctorielle » suivante : soit ''M'', ''N'' deux variétés, <math>\varphi:M\rightarrow N</math> un [[difféomorphisme]] et <math>\varphi_{\ast}: T\left(M\right)\rightarrow T\left(N\right)</math> son application linéaire tangente (ou, par abus de langage, sa « différentielle »). Alors, pour tous champs de vecteurs <math>X,Y\in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math>, <math>\varphi _{\ast }\left( \left[X,Y\right] \right) =\left[\varphi _{\ast }\left(X\right),\varphi _{\ast }\left(Y\right)\right]</math>.
* Soit <math>\mathcal E_{p}\left(M\right)=\Omega^p\left(M\right)</math> le <math>\mathcal E_0</math>-module des ''p''-formes sur ''M'' et <math>d:\mathcal E_{p}\left(M\right)\rightarrow \mathcal E_{p+1}\left(M\right)</math> la [[dérivée extérieure]]. Soit alors <math>\omega \in \mathcal E_{1}\left(M\right)</math> et <math>X,Y\in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math>. On a la ''formule de Maurer-Cartan''

:: <math>\left\langle d\omega ,X\wedge Y\right\rangle =\mathcal{L}_{X}.\left\langle
\omega ,Y\right\rangle -\mathcal{L}_{Y}.\left\langle \omega ,X\right\rangle
-\left\langle \omega ,\left[ X,Y\right] \right\rangle </math>.

* Soit <math>f_1,f_2 \in \mathcal E_0\left(M\right), X_1,X_2 \in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math>. Alors

:: <math>\left[ f_{1}X_{1},f_{2}X_{2}\right] =f_{1}f_{2}\left[ X_{1},X_{2}\right]
+\left( f_{1}\mathcal{L}_{X_{1}}.f_{2}\right) X_{2}-\left( f_{2}\mathcal{L}
_{X_{2}}.f_{1}\right) X_{1}.</math>

On a donc le résultat suivant :

{{Théorème|Lemme|Si <math>\left[ X_{1},X_{2}\right]=0</math>, alors quels que soient les champs de vecteurs <math>Y,Z</math> appartenant au <math>\mathcal E_0\left(M\right)</math>-module <math>span\left\{ X_{1},X_{2}\right\} </math> engendré par <math>X_{1}</math> et <math>X_{2}</math>, le crochet de Lie <math>\left[ Y,Z\right]</math> appartient à <math>span\left\{ X_{1},X_{2}\right\} </math>.}}

=== Exemple ===

Considérons le cas élémentaire où <math>p=2,n=3</math> et voyons comment le théorème de Frobenius dans sa forme fonctionnelle s'exprime dans le formalisme géométrique des crochets de Lie, en se ramenant à la situation où ''M'' est un ouvert de <math>\mathbb R^3</math>. Posons <math>\Delta=span\left\{ X_{1},X_{2}\right\}</math> avec

:: <math>X_{1}=\left( 1,0,\frac{\partial v}{\partial x^{1}}\right) =\left(
1,0,B_{1}\right)</math>,

::<math>X_{2}=\left( 0,1,\frac{\partial v}{\partial x^{2}}\right) =\left(
0,1,B_{2}\right) </math>.

La condition d'intégrabilité de Frobenius s'écrit, avec <math>B_h^1=B_h=B_h\left(x_1,x_2,x_3\right)</math>,

::<math>\frac{\partial B_{1}}{\partial x^{2}}+\frac{\partial B_{1}}{\partial x^{3}}
B_{2}=\frac{\partial B_{2}}{\partial x^{1}}+\frac{\partial B_{2}}{\partial
x^{3}}B_{1}</math>,

qui équivaut à <math>\left[X_1,X_2\right]=0</math>. En conséquence, la condition d'intégrabilité de Frobenius entraîne, d'après le lemme ci-dessus, que pour tous champs de vecteurs <math>Y,Z \in \Delta</math>,on a <math>\left[ Y,Z\right] \in \Delta</math>. Comme on va le voir plus loin, on peut exprimer ceci en disant que le « 2-champ » <math>\Delta</math> est « involutif ».

== Redressement des champs de repères ==

Le théorème de redressement des champs de repères généralise le [[Théorème du redressement|théorème de redressement des champs de vecteurs]].

{{Théorème|Théorème de redressement des champs de repères|Soit ''M'' une variété de dimension ''n'', <math>x_0</math> un point de ''M'' et <math>X_1,...,X_p</math> des champs de vecteurs sur ''M'' tels que <math>X_1\left(x_0\right),...,X_p\left(x_0\right)</math> sont linéairement indépendants. Les conditions suivantes sont équivalentes : (1) Les crochets de Lie <math>\left[X_i,X_j\right]</math> sont tous nuls <math>(i,j=1,...,p)</math>. (2) Il existe une carte <math>\left(U,\varphi,n\right)</math> centrée sur <math>x_0</math> telle que <math>\varphi _{\ast }\left( X_{i}\left\vert _{U}\right. \right) =\frac{\partial }{\partial x^{i}}.</math>}}

(La question étant locale, on peut supposer que <math>M=U</math> est un ouvert de <math>\mathbb R^n</math>. La condition est nécessaire, car la fonctorialité du crochet de Lie implique <math>\varphi _{\ast }\left(\left[X_i,X_j\right]\right)=\left[\varphi _{\ast }\left(X_i\right),\varphi _{\ast }\left(X_j\right)\right]=\left[\frac{\partial }{\partial x^{i}},\frac{\partial }{\partial x^{i}}\right]=0</math>. On montre qu'elle est suffisante grâce à la théorie des équations différentielles<ref>{{harvsp|Leborgne|1982}}, p. 240.</ref>.)

== Théorème de Frobenius : formulation géométrique ==

Commençons par quelques définitions.

(1) Un ''p''-champ (ou une ''p''-direction, ou une distribution d'éléments de contact de dimension ''p'', ou un sous-fibré de dimension ''p'' du [[fibré tangent]] <math>T\left(M\right)</math>) de classe <math>C^\infty</math> est une application <math>\Delta :M\ni x\mapsto \Delta _{x}</math> où <math>\Delta _{x}</math> est un sous-espace de dimension ''p'' de l'[[espace tangent]] <math>T_x\left(M\right)</math> à ''M'' au point ''x'', vérifiant la condition suivante : pour tout <math>x\in M</math>, il existe un voisinage ouvert ''U'' de ''x'' dans ''M'' et des champs de vecteurs <math>X_1,...,X_p \in \mathcal T^1_0\left(M\right)</math> tels que <math>X_1(y),...,X_p(y)</math> forment une base de <math>\Delta _{y}</math> pour tout <math>y\in U</math> (on écrit alors <math>\Delta _{y}=span\left\{ X_{1}(y),...,X_{p}(y)\right\} </math> et <math>\Delta=span\left\{ X_{1},...,X_{p}\right\} </math>, cette dernière écriture signifiant que <math>\Delta</math> est le <math>\mathcal E_0\left(U\right)</math>-module engendré par <math> X_{1},...,X_{p}</math>). Dans ce qui suit, « ''p''-champ » signifie « ''p''-champ de classe <math>C^\infty</math> ».

(2) Une sous-variété ''N'' de ''M'' est appelée une ''variété intégrale'' du ''p''-champ <math>\Delta</math> si pour tout <math>x\in M</math>, et en désignant par <math>\iota:N\rightarrow M</math> l'inclusion, <math>\iota _{\ast }\left( T_{x}\left( N\right) \right) =\Delta _{x}</math> (autrement dit, l'espace tangent <math>T_x\left(N\right)</math> s'identifie au sous-espace <math>\Delta _{x} \subset T_x\left(M\right)</math>). Cette variété intégrale est dite ''maximale'' si toute variété intégrale qui la contient coïncide avec elle (elle est alors de dimension ''p''<ref>{{harvsp|Dieudonné|1969-1971}}, vol. 4, (18.4.2).</ref>). La notion d'intégrabilité est locale et invariante par difféomorphisme.

(3) Le ''p''-champ <math>\Delta</math> est dit ''complètement intégrable'' s'il admet une variété intégrale. Il est dit ''involutif'' si <math>\left[X_1,X_2\right] \in \Delta</math> pour tous <math>X_1,X_2 \in \Delta</math>.

(4) Pour tout <math>x \in M</math>, soit <math>\Delta_x^0</math> le [[Dual d'un espace vectoriel topologique#Ensembles polaires|polaire]] de <math>\Delta_x</math>, c'est-à-dire le sous-espace de l'[[Fibré cotangent|espace cotangent]] <math>T^{\ast}_x\left(M\right)</math> orthogonal à <math>\Delta_x</math>, et <math>\omega^j\left(x\right)</math> une base de <math>\Delta_x^0</math>. L'application <math>\Delta^0: x \mapsto \Delta_x^0</math>, si elle est de classe <math>C^\infty</math> (notion que l'on définit en « dualisant » celle de ''p''-champ de classe <math>C^\infty</math>), est une ''codistribution'', à savoir un <math>\mathcal E_0\left(M\right)</math>-module, ayant pour base <math>n-p</math> 1-formes (ou formes de Pfaff) <math>\omega^j \left(1\le j \le n-p\right)</math>. Ces formes de Pfaff s'annulent sur ''N'', à savoir que pour tout champ de vecteurs <math>X \in \mathcal T^1_0\left( N\right)</math>, <math>\left\langle \omega ^{j},X\right\rangle =0 \left(1\le j \le n-p\right)</math>. On dit encore que le système de Pfaff

(P)::<math>\omega ^{j} = 0 \left(1\le j \le n-p\right)</math>

où les <math>\omega ^{j}</math> sont linéairement indépendantes, est ''associé'' au ''p''-champ <math>\Delta</math> et définit la variété intégrale ''N''.

(5) Soit <math>\Omega^q\left(M\right)</math> l'espace vectoriel des formes de degré ''q'' sur ''M'' et <math>\Omega\left(M\right)</math> l'[[algèbre graduée]] définie par

:: <math>\Omega \left( M\right) =\bigoplus \limits_{q=0}^{+\infty }\Omega ^{q}\left(
M\right) </math>.

On désigne par <math>\mathfrak{O}\left( \Delta \right) </math> l'idéal gradué de <math>\Omega \left( M\right)</math> constitué par les formes <math>\omega</math> vérifiant la condition suivante : pour toute ''q''-forme <math>\omega \in \mathfrak{O}\left( \Delta \right)</math> et tous champs de vecteurs <math>X_1,...,X_q \in \Delta</math>,

:: <math>\left\langle \omega ,X_{1}\wedge ...\wedge X_{q}\right\rangle =0</math>.

Enfin, on désigne par <math>d\left(\mathfrak{O}\left( \Delta \right)\right)</math> le <math>\R</math>-espace vectoriel constitué des <math>d\omega \left(\omega\in \mathfrak{O}\left( \Delta \right)\right)</math>.

{{Théorème|Théorème de Frobenius sous forme géométrique|Soit <math>\Delta</math> un ''p''-champ sur une variété ''M'' et (P) le système de Pfaff associé. Les conditions suivantes sont équivalentes :

:(i) <math>\Delta</math> est complètement intégrable.

: (ii) <math>\Delta</math> est involutif.

: (iii) <math>d\left(\mathfrak{O}\left( \Delta \right)\right) \subset \mathfrak{O}\left( \Delta \right)</math>.

: (iv) Pour tout <math>x \in M</math>, il existe un voisinage ouvert ''W'' de ''x'' et des ''1''-formes <math>\alpha^j_k</math> de classe <math>C^\infty</math> définies dans ''W'' telles que, dans cet ouvert,

:: <math>d\omega ^{j}=\sum\limits_{k=1}^{n-p}\omega^{k}\wedge \alpha _{k}^{j}\quad
\left( 1\leq j\leq n-p\right) </math>

: (v) Pour tout <math>x \in M</math>, il existe un voisinage ouvert ''W'' de ''x'' et des fonctions <math>f_{k}^{j},g^{k}\in \mathcal{E}_{0}\left( W\right)</math> <math>\left( j,k\in \left\{
1,...,n-p\right\} \right) </math> telles que, dans ''W'',

:: <math>\omega ^{j}=\sum\limits_{k}f_{k}^{j}dg^{k}</math>.}}

{{Démonstration|
(i) ⇒ (ii) par le théorème de Frobenius sous forme fonctionnelle et le lemme.

(ii) ⇒ (i) : Supposons <math>\left[Y,Z \right]</math> pour tous <math>X,Y \in \Delta</math>. Supposons de plus, sans perte de généralité (la condition (i) étant locale), que ''M'' soit un ouvert de <math>\mathbb R^n</math> et que <math>\Delta_0</math> soit engendré par les ''p'' premiers vecteurs <math>\mathbf{e}_{i}=\frac{\partial }{\partial x^{i}}\left( 0\right) </math> de la base canonique de <math>\mathbb R^n</math>. Soit <math>\pi: \mathbb R^n \rightarrow \mathbb R^p</math> la projection canonique. L'application <math>\pi _{\ast }\left\vert _{\Delta _{x}}\right. </math> est un isomorphisme de <math>\Delta _{x}</math> sur <math>T_{x}\left( 
\mathbb{R}^{p}\right) \cong \mathbb{R}^{p}</math> pour tout ''x'' dans un voisinage de 0 dans ''M'' (voisinage qu'on peut de nouveau supposer égal à ''M''). On peut donc trouver dans ''M'' des champs de vecteurs <math>X_1,...,X_p</math> tels que <math>X_1\left(x\right),..., X_p\left(x\right) \in \Delta_x</math> et <math>\pi _{\ast }\left( X_{i}\right) =\frac{\partial }{\partial x^{i}}\left(1\leq i\leq p\right) </math>. Par conséquent, par fonctorialité du crochet de Lie,

:: <math>\pi _{\ast }\left( \left[ X_{i},X_{j}\right] _{x}\right) =\left[ \mathbf{e}
_{i},\mathbf{e}_{j}\right] _{\pi \left( x\right) }=0</math>.

Puisque par hypothèse, <math>\left[ X_{i},X_{j}\right]\in \Delta</math>, ceci entraîne <math>\left[ X_{i},X_{j}\right]=0</math>. Par conséquent, d'après le théorème de redressement des champs de repère, il existe un ouvert <math>U \subset M</math>, qu'on supposera de nouveau égal à ''M'', et un difféomorphisme <math>\varphi: M \rightarrow N  </math>, avec <math>N=\varphi(M)\subset \mathbb R^n</math>, tel que la dérivée <math>D\varphi</math> envoie <math>X_i</math> sur <math>\frac{\partial }{\partial x^{i}}\left( 1\leq i\leq p\right) </math>. La variété ''N'' est intégrale, puisque définie par les relations <math>x^{i}=C^{te} \left(p+1 \le i \le n \right)</math>, et la variété ''M'', qui lui est difféomorphe, est intégrale elle aussi. Par suite, <math>\Delta</math> est complètement intégrable.

(i) ⇔ (iii) : On n'a à considérer que des 1-formes, pour lesquelles la formule de Maurer-Cartan s'applique. Soit <math>\omega \in \mathfrak{O}\left( \Delta \right)</math> et <math>X,Y \in \Delta</math>. On a <math>\left\langle d\omega ,X\wedge Y\right\rangle =0</math> si, et seulement si <math>\left\langle \omega ,\left[ X,Y\right] \right\rangle =0</math>, c'est-à-dire <math>\left[ X,Y\right] \in \Delta</math>.

(iii) ⇔ (iv) : Les produits extérieurs <math>\omega ^{i}\wedge dx^{h}</math>, <math>\omega ^{i}\wedge \omega ^{k}</math>, <math>dx^{l}\wedge dx^{h}</math>, <math>\left( 1\leq j\leq k\leq n-p,1\leq l<h\leq p\right)</math> forment une base du <math>\mathcal E_0\left(W\right)</math>-module des 2-formes différentielles sur ''W''. On peut donc écrire pour <math>1 \le j \le n-p</math>

:: <math>d\omega ^{j}=\sum\limits_{k,h}C_{kh}^{j}\omega ^{k}\wedge
dx^{h}+\sum\limits_{i,k}D_{ik}^{j}\omega ^{i}\wedge \omega
^{k}+\sum\limits_{h,l}E_{hl}^{j}dx^{l}\wedge dx^{h}</math>

où les coefficients appartiennent à <math>\mathcal E_0\left(W\right)</math>. Donc, (iii) est vérifié si, et seulement si les <math>E_{hl}</math> sont tous nuls, ce qui équivaut à (iv).
 
(i) ⇒ (v) : Supposons (i) vérifié ; on sait qu'il existe une carte <math>\left(U,\xi,n\right)</math> de ''M'' pour laquelle la sous-variété intégrale ''N'' est telle que <math>N\cap U</math> ait pour coordonnées locales <math>\xi^{p+1}=...=\xi^{n}=0</math>. Les 1-formes <math>d\xi^{p+1},...,d\xi^{n}</math> constituent donc une base du <math>\mathcal E_0\left(U\right)</math>-module <math>\Delta ^0</math>. Par suite, les 1-formes <math>\omega^j \left( 1\leq j\leq n-p\right)</math> se mettent sous la forme indiquée dans (v) avec <math>g^k=\xi^{p+k}</math>.

(v) ⇒ (iii) : Soit <math>\omega \in \mathfrak{O}\left( \Delta \right)</math> et supposons (v) vérifié où les 1-formes <math>dg^k</math> sont linéairement indépendantes (ce que l'on peut supposer sans perte de généralité). Soit alors des champs de vecteurs <math>X_i \in \Delta</math>. Il vient

:: <math>\left\langle d\omega ^{j},X_{i}\wedge X_{l}\right\rangle
=\sum\limits_{k}\left\langle df_{k}^{j},X_{i}\right\rangle \left\langle
dg^{k},X_{l}\right\rangle =0</math>

car <math>\left\langle dg^{k},X_{l}\right\rangle =0</math>. Ceci prouve (iii).}}

=== Remarques ===

* L'équivalence (i) ⇔ (ii) de la formulation géométrique du théorème de Frobenius s'étend à la dimension infinie en raisonnant avec des [[variété de Banach|variétés banachiques]]<ref>{{harvsp|Lang|1999}}, Chap. VI.</ref>. En revanche, elle ne s'étend pas au cas des [[variété de Fréchet|variétés de Fréchet]].
* Dans le cas où <math>p=n-1</math>, l'équivalence (iv) <math>\Leftrightarrow</math> (v) se particularise comme suit : étant donné une 1-forme <math>\omega</math> et un ouvert ''W'' suffisamment petit, il existe dans ''W'' une 1-forme <math>\alpha</math> telle que, dans cet ouvert, <math>d\omega=\omega \wedge \alpha</math> si, et seulement s'il existe des fonctions <math>f,g \in \mathcal E_0\left(W\right)</math> telles que, dans ''W'', <math>\omega=f.dg</math>.
* Dans le cas analytique, le {{Lien|trad=Cartan–Kähler theorem|théorème de Cartan-Kähler}} est un théorème d'existence d'une variété intégrale pour un [[système différentiel]] ; ce théorème est une généralisation du théorème de Frobenius.

== Articles connexes ==

* [[Théorème de Darboux (géométrie)]]
* [[Système intégrable]]
* {{Lien|trad=Integrability conditions for differential systems|Conditions d'intégrabilité pour les systèmes différentiels}}
* {{Lien|trad=Cartan–Kähler theorem|Théorème de Cartan-Kähler}}

== Notes et références ==

=== Notes ===
{{Références|colonnes=2}}

=== Références ===
* {{article|lang=de|prénom1=Wei-Liang|nom1=Chow|titre=Über Systeme von linearen partiellen Differential-gleichungen erster Ordnung|lien périodique=Mathematische Annalen|revue=Mathematische Annalen|volume=117|page=98-105|année=1940-1941|url=https://eudml.org/doc/160043}}
* {{Ouvrage| prénom1 = Jean | nom1 = Dieudonné|lien auteur1=Jean Dieudonné|lien titre = Éléments d'analyse|titre=Éléments d'Analyse, vol. 1, 3 et 4| éditeur = Gauthier-Villars | année = 1969-1971}}
* {{Ouvrage| lang=en|prénom1 = Velimir | nom1 = Jurdjevic|titre = Geometric Control Theory|lien éditeur=Cambridge University Press|éditeur = Cambridge University Press | année = 1997}}
* {{Ouvrage| lang=en|prénom1 = Serge | nom1 = Lang|lien auteur1=Serge Lang| titre = Fundamentals of Differential Geometry|lien éditeur=Springer Verlag|éditeur = Springer | année = 1999}}
* {{Ouvrage| prénom1 = Daniel | nom1 = Leborgne| titre = Calcul différentiel et géométrie|lien éditeur=PUF| éditeur = PUF | année = 1982}}
* {{article|lang=en|prénom1=Hans|nom1=Samelson|titre=Differential forms, the Early Days; or the Stories of Deahna's Theorem and of Volterra's Theorem|périodique=The American Mathematical Monthly|volume=108|numéro=6|page=522-530|année=2001|url=http://www.math.toronto.edu/mgualt/wiki/samelson_forms_history.pdf}}
* {{Spivak1}}, vol. 1, Chap. 6 et 7
* {{article|lang=en|prénom1=Hector J.|nom1=Sussmann|titre=Orbits of Families of Vector Fields and Integrability of Distributions|lien périodique=Transactions of the American Mathematical Society|revue=Trans. Am. Math. Soc.|volume=180|page=171-188|année=1973|url=http://www.ams.org/journals/tran/1973-180-00/S0002-9947-1973-0321133-2/S0002-9947-1973-0321133-2.pdf}}

{{Portail|mathématiques}}

{{DEFAULTSORT:Theoreme de Frobenius (geometrie differentielle)}}
[[Catégorie:Théorème de géométrie différentielle|Frobenius]]
[[Catégorie:Lemme de mathématiques|Frobenius]]