Voir la source de Trace (algèbre)

{{Voir homonymes|Trace}}
En [[algèbre linéaire]], la '''trace d'une [[matrice carrée]]''' ''A'' est définie comme la somme de ses coefficients [[diagonale principale|diagonaux]] et souvent<ref>Par exemple [[Roger Godement]], ''Cours d'algèbre'', Hermann, {{3e}} éd., 1978, p. 526 ou {{Ouvrage|id=Bourbaki A|titre=[[Éléments de mathématique]], Algèbre|prénom=N.|nom=Bourbaki|lien auteur1=Nicolas Bourbaki|éditeur=Springer|lien éditeur=Springer Verlag|année=2006}}, [https://books.google.fr/books?id=4RIDPH1ULXcC&pg=PA31 p. II.158]. D'autres auteurs la notent tr(''A'') ou trace(''A'').</ref> notée Tr(''A''). La trace peut être vue comme une [[forme linéaire]] sur l'[[espace vectoriel]] des matrices. Elle vérifie l'identité : Tr(''AB'') = Tr(''BA''), et est en conséquence invariante par [[matrices semblables|similitude]].

De façon voisine, si ''u'' est un [[endomorphisme linéaire|endomorphisme]] d'un [[espace vectoriel de dimension finie]] sur un [[corps commutatif]] ''K'', on peut définir la '''trace de l'opérateur ''u''''', par exemple comme trace de sa matrice dans n'importe quelle [[base (algèbre linéaire)|base]].

Plus généralement, sur une algèbre ''A'', '''une trace''' est une forme linéaire {{mvar|λ}} telle que {{math|''λ''(''ab'') {{=}} ''λ''(''ba'')}}. Cette définition se rencontre en particulier dans l'étude des algèbres de von Neumann, qui sont des algèbres d'opérateurs sur des [[espace de Hilbert|espaces de Hilbert]].

== Exemples d'applications ==

* En [[algèbre linéaire]], la trace d'un opérateur ''u'' est la somme de ses valeurs propres comptées avec multiplicité. Par exemple, la trace d'une rotation de <math>\R^3</math> est {{math|1+2 cos(''θ'')}} et fournit donc l'angle de rotation {{mvar|θ}}.
* En [[théorie de Galois]], la trace est à l'origine de la définition de la [[forme trace]]. Cette forme est aussi utilisée en [[théorie algébrique des nombres]], par exemple pour définir le discriminant d'un [[anneau unitaire|anneau]] d'[[entier algébrique|entiers algébriques]].
* Dans la théorie des [[Représentation de groupe|représentations de groupes]], la trace d'une représentation est son caractère. Par exemple, pour une [[Représentations d'un groupe fini|représentation d'un groupe fini]], son caractère permet de comprendre sa décomposition en somme directe de représentations irréductibles. Cette théorie permet de mieux comprendre la structure d'un [[groupe (mathématiques)|groupe]]. En conséquence, on retrouve l'utilisation de cet outil dans la démonstration de théorèmes sur le sujet, par exemple [[Théorème de Burnside (groupe résoluble)|celui de Burnside sur les groupes résolubles]], ou [[Théorème de Burnside (problème de 1902)|celui sur les sous-groupes de GL(''n'',ℂ)]] dans le cadre du [[problème de Burnside]].
* Dans l'étude des [[groupe de Lie|groupes de Lie]], et toujours en rapport avec la théorie des représentations, la trace permet de définir la [[forme de Killing]], qui est une forme quadratique sur l'algèbre de Lie correspondante. Le {{Lien|trad=Cartan's criterion|critère de Cartan}} en montre l'importance. Par exemple, la forme de Killing est définie négative si et seulement si la composante neutre est compacte ([[Théorème de Bonnet-Schoenberg-Myers|théorème de Myers]]).
* En calcul différentiel, sur l'espace des matrices, la trace apparaît comme la différentielle du déterminant en la matrice identité.
* La trace intervient également dans la définition de la [[#Divergence|divergence]] d'un champ de vecteurs, qui mesure le défaut à ce que son flot préserve le volume.

== Définitions ==
=== Trace d'une matrice carrée ===
Étant donnée une [[matrice (mathématiques)|matrice]] carrée
:<math>A = (a_{i \, j})_{1 \leq i,j \leq n}</math>
à coefficients dans un [[corps commutatif]] '''K''' (ou seulement dans un [[anneau commutatif]]), sa trace, notée {{math|Tr(''A'')}}, est le [[scalaire (mathématiques)|scalaire]] somme des [[coefficient]]s de sa [[diagonale principale]]<ref name="definitionTraceMatrice"/> :
:<math>\mathrm{Tr}(A) = \sum_{i=1}^{n} a_{i \, i} </math>.
Pour toutes matrices carrées {{mvar|A}} et {{mvar|B}} (de même ordre) et pour tout scalaire α∊'''K''', les propriétés suivantes sont vérifiées :
:<math>
\begin{matrix}
\mathrm{Tr}(A + B) &=& \mathrm{Tr}(A) + \mathrm{Tr}(B) \\
\mathrm{Tr}(\alpha A) &=& \alpha \mathrm{Tr}(A) \\
\mathrm{Tr}(A^T) &=& \mathrm{Tr}(A), \\
\end{matrix}
</math>

où ''A''<sup>''T''</sup> désigne la [[Matrice transposée|transposée]] de ''A''.

Autrement dit, la trace est une [[forme linéaire]] sur l'espace vectoriel<ref name=precautionLangageAnneau>Ou le [[module sur un anneau|module]] si '''K''' est seulement un anneau commutatif.</ref> ℳ<sub>''n''</sub>('''K''') des matrices carrées d'ordre {{mvar|n}}, invariante par [[Matrice transposée|transposition]].

Si maintenant {{mvar|A}} et {{mvar|B}} sont des matrices (''n'', ''m'') et (''m'', ''n'') (non nécessairement carrées, mais fournissant des matrices carrées par multiplication), on a l'identité<ref name="BourbakiII158"/> :
:<math>
\begin{matrix}
\mathrm{Tr}(AB) &=& \mathrm{Tr}(BA). \\
\end{matrix}
</math>

L'égalité précédente a pour conséquence l'identité suivante, valable pour toute matrice carrée {{mvar|A}} et pour toute [[matrice inversible]] {{mvar|P}} de même ordre<ref name="Lang515"/> :
:<math>
\begin{matrix}
\mathrm{Tr}(P^{-1}AP) &=& \mathrm{Tr}(A) \\
\end{matrix}
</math>
Autrement dit, la trace est un « [[invariant]] de similitude » pour les matrices carrées d'ordre donné, c'est-à-dire que deux [[matrices semblables]] ont même trace, ce qui n'a rien de surprenant si l'on connaît le lien entre la trace et le [[polynôme formel|polynôme]] caractéristique {{infra|Trace, polynôme caractéristique et valeurs propres}} et l'[[Polynôme caractéristique#Propriétés|invariance par similitude de ce dernier]].

On peut montrer par une preuve assez brève, faisant intervenir les {{Lien|trad=Single-entry matrix|Unité matricielle|texte=unités matricielles}} ({{c.-à-d.}} les matrices de la [[base canonique]] de ℳ<sub>''n''</sub>('''K'''), qui sont les matrices dont un seul coefficient vaut 1 et tous les autres 0) qu'une forme linéaire sur l'espace ℳ<sub>''n''</sub>('''K''') invariante par similitude est nécessairement proportionnelle à la trace<ref>Voir la feuille d'exercices « Propriétés de la trace » de la [[#Voir aussi|leçon « Trace et transposée de matrice » sur Wikiversité]].</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bourbaki A}}, ''op. cit.'', p. II.158, le démontre seulement pour une forme linéaire ''f'' vérifiant l'hypothèse plus forte ''f''(''AB'') = ''f''(''BA'').</ref>.

; En particulier
* [[matrice nulle]] : Tr(0<sub>''n'', ''n''</sub>) = 0 ;
* [[matrice identité]] : Tr(I<sub>''n''</sub>) = ''n''.

; Applications
: La trace du [[tenseur des contraintes]] T est un invariant. La [[pression isostatique]] vaut le tiers de la trace :
:: <math>p = \frac{\operatorname{Tr}(\mathrm{T})}{3} = \frac{\sigma_{11} + \sigma_{22} + \sigma_{33}}{3}</math>.

=== Trace d'un endomorphisme ===
Si la trace d'une matrice carrée peut être définie sans technicité particulière sur n'importe quel anneau commutatif, il n'en est pas de même pour la trace d'un [[endomorphisme]]. En utilisant une [[Matrice (mathématiques)#Applications linéaires|représentation matricielle]], c'est faisable à assez peu de frais pour un [[endomorphisme d'espace vectoriel]] ; une construction plus abstraite, utilisant l'[[algèbre tensorielle]], permet d'étendre le concept à certains endomorphismes de [[module sur un anneau|module]] {{Incise|mais pas tous|stop}}.

==== Dans un espace vectoriel ====

Si ''E'' est un [[espace vectoriel de dimension finie]] ''n'', la trace d'un endomorphisme <math>u \in \mathcal{L}(E)</math>, notée <math>\mathrm{Tr}(u)</math>, est définie comme la trace de la [[Matrice d'une application linéaire|matrice de {{math|''u''}} dans une base]] préalablement fixée <math>\mathcal{B}</math> de ''E''<ref name=Lang520/>. Cette définition ne dépend pas du choix arbitraire de <math>\mathcal{B}</math> car si <math>\mathcal{B}'</math> est une autre base, la « [[Matrice de passage#Changement de matrice pour une application linéaire|formule de changement de base]] » montre que les matrices de {{math|''u''}} respectivement dans <math>\mathcal{B}</math> et <math>\mathcal{B}'</math> sont semblables donc (cf. ''supra'') ont même trace.

Les propriétés suivantes sont vérifiées pour tous les endomorphismes <math>u,v \in \mathcal{L}(E)</math>, tout scalaire <math>\alpha \in \mathbb{K}</math> et tout {{math|''w'' ∈ GL(''E'')}} (c'est-à-dire que {{mvar|w}} est un [[Groupe général linéaire#Groupe général linéaire d’un espace vectoriel|automorphisme de ''E'']])
:<math>
\begin{matrix}
\mathrm{Tr}(u + v) &=& \mathrm{Tr}(u) + \mathrm{Tr}(v) \\
\mathrm{Tr}(\alpha u) &=& \alpha \mathrm{Tr}(u) \\
\mathrm{Tr}(u \circ v) &=& \mathrm{Tr}(v \circ u)\\
\mathrm{Tr}(w^{-1} \circ u \circ w) &=& \mathrm{Tr}(u).
\end{matrix}
</math>
Autrement dit : la trace est une [[forme linéaire]] sur l'espace vectoriel <math>\mathcal{L}(E)</math>, invariante par [[conjugaison (algèbre)|conjugaison]].

De plus, <math>\mathrm{Tr}(u^T)=\mathrm{Tr}(u)</math>, où <math>u^T\in \mathcal{L}(E^*)</math> désigne l'[[application transposée]] de {{mvar|u}}.

==== Dans un module ====

En utilisant la [[contraction tensorielle]], il est possible d'étendre le concept de trace aux endomorphismes des [[module projectif|modules projectifs]] [[module de type fini|de type fini]]<ref name="BourbakiII78"/>.

=== Trace d'une forme quadratique ===
Soit (''E'',''g'') un [[espace euclidien]]. On définit une bijection (détaillée dans la [[Opérateur autoadjoint#Forme bilinéaire symétrique (resp. forme hermitienne) associée|section ''Forme bilinéaire symétrique (resp. forme hermitienne) associée'']] de l'article ''[[Opérateur autoadjoint]]'') entre les formes quadratiques ''q'' sur ''E'', et les opérateurs symétriques ''A'' sur (''E'',''g'') par :
:<math>q(v)=g(v,Av)</math>.
La trace de ''A'' est appelée ''trace de la forme quadratique q'' par rapport à ''g''<ref>N. Bourbaki, ''Éléments de mathématique, EVT'', chap. V, §4, {{Numéro|9}} s'intitule : « Trace d'une forme quadratique par rapport à une autre ».</ref>.

== Exemples ==
Soit ''E'' un ''K''-[[espace vectoriel de dimension finie]] ''n''.
* La trace de l'[[application identité|identité]] Id est : <math>\mathrm{Tr}(\mathrm{Id}) = n\cdot 1_K=\dim(E)\cdot 1_K</math>
* La trace d'une [[transvection]] est aussi dim ''E''.
* La trace d'un [[projecteur (mathématiques)|projecteur]] vérifie {{math|Tr(''p'') {{=}} rg(''p'') 1{{ind|''K''}}}}, où {{math|rg(''p'')}} est le [[rang d'une application linéaire|rang]] de {{mvar|p}}<ref name="Roudier307"/>.
* Pour deux endomorphismes ''u'' et ''v'' de ''E'', on pose [''u'',''v'']=''uv''-''vu'' (on l'appelle le [[commutateur (théorie des anneaux)|commutateur]] de ''u'' et ''v''). La trace de [''u'',''v''] est nulle : c'est une autre façon d'exprimer l'identité fondamentale Tr(''uv'')=Tr(''vu'').

Dans les espaces euclidiens :
* La trace d'une [[rotation vectorielle|rotation]] de ℝ{{2}} d'angle {{mvar|θ}} est donnée par {{math|Tr(''R{{ind|θ}}'') {{=}} 2 cos ''θ''}}.
* De même, la trace d'une rotation d'axe {{math|Δ}} et d'angle {{mvar|θ}} dans l'espace à 3 dimensions est donnée par {{math|Tr(''R''{{ind|Δ , ''θ''}}) {{=}} 1 + 2 cos ''θ''}}.

Pour des matrices :
* Toute [[permutation]] <math>\sigma \in \mathfrak{S}_n\,\!</math> (où <math>\mathfrak{S}_n \,\!</math> représente le [[groupe symétrique]] d'ordre {{mvar|n}}) est représentée par une matrice <math>M_{\sigma}=(m_{i \, j})_{1 \leq i,j \leq n} \,\!</math> carrée d'ordre {{mvar|n}}, définie par :
*: <math>\left\{ \begin{array}{lll}
  m_{i \, j} &= 1  \quad &\mathrm{si} \quad \sigma(i)=j \\
  m_{i \, j} &= 0  \quad &\mathrm{sinon} \end{array} \right.</math>
*: La trace de la matrice {{mvar|M{{ind|σ}}}} s'interprète alors comme le nombre de points fixes de la permutation {{mvar|σ}} :
*: <math>\mathrm{Tr}(M_{\sigma}) = \mathrm{Card} \left\{ i \in \{1,...,n\} \ | \ \sigma(i)=i  \right\}</math>
* La trace de la [[matrice d'adjacence]] d'un [[Théorie des graphes|graphe]] est nulle (si un sommet ne boucle pas sur lui-même).

== Trace, polynôme caractéristique et valeurs propres ==

Soit ''A'' une matrice carrée d'ordre ''n'' à coefficients dans un anneau commutatif.

On note {{math|''p{{ind|A}}''(''X'')}} son [[polynôme caractéristique]] et {{mvar|c{{ind|i}}}} le coefficient de {{mvar|X{{exp|i}}}} dans {{math|''p{{ind|A}}''(''X'')}}. En d'autres termes on pose 
<center><math>p_A(X):=\det(XI_n-A)=X^n+c_{n-1}X^{n-1}+\cdots+c_1X+c_0</math>,</center>
où ''I''<sub>''n''</sub> désigne la [[matrice identité]] d'ordre ''n''. Alors,
<center><math>\textrm{Tr}(A)=-c_{n-1}</math>.</center>

=== Trace et polynôme caractéristique ===
On démontre l'égalité ci-dessus et, si
<center><math>p_A(X)=(X-\lambda_1)(X-\lambda_2)\cdots(X-\lambda_n)</math></center>
(où les {{mvar|λ{{ind|i}}}} appartiennent à un anneau commutatif contenant les coefficients de ''A''), l'égalité suivante :
<center><math>\textrm{Tr}(A)=\sum_{i=1}^n\lambda_i</math>.</center>

{{Démonstration|
'''Cas particulier de coefficients dans un anneau intègre'''

On suppose d'abord l'anneau des coefficients [[anneau intègre|intègre]]. On peut alors considérer ''A'' comme une matrice à coefficients dans un [[corps commutatif]] '''K''', à savoir le [[corps des fractions]] de cet anneau.

On se place alors dans un corps '''L''' contenant '''K''' et où {{mvar|p{{ind|A}}}}est [[polynôme scindé|scindé]], (par exemple sa [[clôture algébrique]] ou le [[corps de décomposition]] de {{mvar|p{{ind|A}}}}) et l'on note :

:<math>p_A(X)=(X-\lambda_1)(X-\lambda_2)\cdots(X-\lambda_n).</math>

Les {{mvar|λ{{ind|i}}}} sont les [[valeur propre|valeurs propres]] de ''A'', comptées avec multiplicité. Par la théorie de la [[trigonalisation]], on sait trouver une matrice carrée [[matrice triangulaire|triangulaire]] ''T'', à coefficients dans '''L''' et semblable à ''A'', dont la diagonale principale est formée des {{mvar|λ{{ind|i}}}}. En utilisant l'invariance de la trace par similitude, on conclut :

:<math>\textrm{Tr}(A)=\sum_{i=1}^n\lambda_i</math>.

De plus, si on développe l'écriture de {{mvar|p{{ind|A}}}} en facteurs du premier degré, la somme des {{mvar|λ{{ind|i}}}} apparaît comme l'opposé du coefficient de {{math|''X''{{exp|''n'' — 1}}}} dans ce polynôme. On en conclut donc que, si l'on note {{math|''c''{{ind|''n'' — 1}}}} ce coefficient :

:<math>\textrm{Tr}(A)=-c_{n-1}</math>.

'''Cas général'''

On ne suppose désormais plus que ''A'' est à coefficients dans un anneau intègre ; on peut néanmoins obtenir des résultats analogues par une autre voie.

Dans le développement du déterminant qui définit le polynôme caractéristique par la [[Formule de Leibniz#Déterminant d'une matrice carrée|formule utilisant des permutations]], on constate qu'il n'apparaît de monôme en {{math|''X''{{exp|''n'' — 1}}}} que dans un seul des ''n''! termes de la somme, celui qui est produit des termes diagonaux de {{mvar|XI{{ind|n}} — A}}, c'est-à-dire :

:<math>(X-a_{11})(X-a_{22})\cdots(X-a_{nn}),</math>

La trace de ''A'' apparaît alors comme le coefficient de {{math|''X''{{exp|''n'' — 1}}}}. On a prouvé différemment la formule :

:<math>\textrm{Tr}(A)=-c_{n-1}</math>.

On suppose maintenant en outre le polynôme caractéristique de ''A'' [[polynôme scindé|scindé]] et l'on note :

:<math>p_A(X)=(X-\lambda_{1})(X-\lambda_{2})\cdots(X-\lambda_{n}),</math>

une<ref>L'anneau n'étant pas supposé intègre, cette écriture n'est pas nécessairement unique.</ref> décomposition de ce polynôme en facteurs du premier degré.

En développant ce produit, on obtient une nouvelle expression de {{math|''c''{{ind|''n'' — 1}}}} ; par rapprochement de celle-ci et de la formule précédente, on obtient :

:<math>\textrm{Tr}(A)=\sum_{i=1}^n\lambda_i</math>.
}}

=== Trace d'un polynôme de matrice ===
Soit ''q'' un polynôme (à coefficients dans un anneau commutatif contenant les {{mvar|λ{{ind|i}}}} ci-dessus et les coefficients de ''A''). Alors :
<center><math>\textrm{Tr}[q(A)]=\sum_{i=1}^nq(\lambda_i)</math>.</center>

{{Démonstration|
Si l'anneau est intègre, les techniques et notations employées ci-dessus sont utilisables. La matrice {{math|''q''(''A'')}} est semblable à {{math|''q''(''T'')}}, tandis que la diagonale principale de {{mvar|T}} est formée des {{math|''q''(''λ{{ind|i}}'')}}. On en déduit la formule.

Cette formule reste valable sans l'hypothèse d'intégrité, {{Refins|date=juillet 2017|{{Laquelle|date=juillet 2017|la preuve}} {{Douteux|date=juillet 2017|reposant sur}} le traitement préalable du cas des anneaux intègres<ref name="Lang576"/>}}.
}}

En particularisant la formule précédente au monôme {{mvar|q {{=}} X<sup>k</sup>}}, on obtient :

:<math>\textrm{Tr}(A^k)=\sum_{i=1}^n \lambda_i^k</math>.

En caractéristique nulle, les [[polynôme symétrique élémentaire|polynômes symétriques élémentaires]] peuvent être reconstitués polynomialement à partir des sommes de Newton, via les [[identités de Newton]]. De ce fait, il existe des formules polynomiales universelles permettant d'exprimer les coefficients du polynôme caractéristique d'une matrice (''n'',''n'') en fonction des traces de ses puissances (et même des puissances d'exposant inférieur ou égal à ''n''). Pour en donner un exemple :

:<math>c_{n-2}=\frac{\textrm{Tr}(A)^2-\textrm{Tr}(A^2)}{2}.</math>

En voici une application<ref>[[Éric Leichtnam|E. Leichtnam]], ''Oral Maths Polytechnique - ENS Algèbre et Géométrie'', p. 70-71, ou {{harvsp|Roudier|2003}}, ''op. cit.'', p. 512. La preuve fournie dans ces sources ne repose pas sur les identités de Newton mais est plus rapide, par récurrence sur la dimension en s'appuyant sur le [[lemme des noyaux]].</ref> : si ''A'' est une matrice (''n'',''n'') à coefficients dans un corps de caractéristique nulle et vérifie : <math>\mathrm{Tr}(A)=\mathrm{Tr}(A^2)=\dots=\mathrm{Tr}(A^n)=0</math>, alors ''A'' est [[matrice nilpotente|nilpotente]].

== Applications ==

=== Divergence ===
{{Article détaillé|Divergence (analyse vectorielle)}}

Étant donné un espace vectoriel réel ''E'' de dimension finie, le déterminant définit une application ''det'' de l'espace des opérateurs sur ''E'' vers '''R''', qui est homogène de degré ''n''. Le nombre det(''u'') s'exprime comme une fonction polynomiale en les coefficients de la matrice représentant ''u'' dans une base quelconque de ''E''. La fonction ''det'' est donc [[calcul différentiel|différentiable]]. ''Sa différentielle en l'identité est la trace''. Autrement dit, pour tout opérateur ''u'' sur ''E'',
:<math>\textrm{det}(I+u)=1+\textrm{Tr}(u)+o(u)</math>
où ''o''(''u'') signifie que le reste est négligeable devant ''u'' quand ''u'' tend vers zéro. Comme conséquence, pour tout opérateur ''u'' sur ''E'',
:<math>\det(\exp(u))=\exp(\textrm{Tr}(u))</math>.
En particulier, l'exponentielle de ''u'' est de déterminant 1 si et seulement si ''u'' est un opérateur de trace nulle. Ce résultat s'interprète dans la théorie des [[groupe de Lie|groupes de Lie]] comme suit. L'application det est un morphisme continu de groupes, du [[groupe linéaire]] GL(''E'') vers '''R'''. Son noyau, l'ensemble des opérateurs de déterminant 1, donc est un sous-groupe de GL(''E''), noté SL(''E''). Il s'agit d'un [[groupe de Lie classique]], c'est-à-dire d'un sous-groupe fermé de GL(''E''). Géométriquement, un opérateur appartient à SL(''E'') si et seulement s'il préserve le volume de Lebesgue de ''E''. Son algèbre de Lie est exactement l'ensemble des opérateurs ''u'' de trace nulle, noté <math>\mathfrak{sl}(E)</math>.

Sur un ouvert ''U'' de ''E'', un [[champ de vecteurs]] ''X'' est une application <math>X:U\rightarrow \R^n</math>. Si cette application est lipschitzienne, le théorème de Cauchy-Lipschitz affirme l'existence de solutions maximales de l'équation différentielle ordinaire 
:<math>c'(t)=X(c(t))</math> (1).
Le flot de ''X'' est la famille de difféomorphismes {{mvar|f{{ind|t}}}} qui envoient ''x'' sur ''c''(t), où ''c'' est la solution de (1) avec comme condition initiale ''c''(0)=''x''. Le flot est défini localement. On introduit la [[Divergence (analyse vectorielle)|divergence]] de ''X''
:<math>\rm{div}(X)(x)=\rm{Tr}(dX(x))</math>
où dX(x) désigne la différentielle de ''X'' en ''x'', qui est un opérateur sur ''E''. Le flot ''f''<sub>''t''</sub> préserve le volume de Lebesgue ssi la divergence est nulle. Plus précisément, pour tout ouvert <math>\Omega</math> dont l'adhérence est incluse dans ''U'',
:<math>\left. \frac{d}{dt}\right|_{t=0}Vol(f_t(\Omega))=\int_{\Omega} \textrm{div}(X)(x)dx</math>.
(Cette égalité permet d'étendre la définition de la divergence, par exemple sur des variétés orientées en présence de formes volumes.

=== Forme de Killing ===
{{Article détaillé|Forme de Killing}}
Si <math>\mathfrak{g}</math> est une algèbre de Lie sur un corps '''K''', la [[représentation adjointe]] de <math>\mathfrak{g}</math>, notée ''ad'', est donnée par 
:<math>ad(X)(Y)=[X,Y]</math>.
La '''forme de Killing''' sur <math>\mathfrak{g}</math> est la forme bilinéaire symétrique
:<math>B(X,Y)=\textrm{Tr}\left(ad(X)\circ ad(Y)\right)</math>.
Les automorphismes de l'algèbre de Lie <math>\mathfrak{g}</math> préservent la forme de Killing. En particulier, sa représentation adjointe préserve ''B''. La forme de Killing a été introduite par [[Élie Cartan]]<ref>[[Élie Cartan]], ''Sur la structure des groupes de transformations finis et continus'', Thèse, éd. Nony, 1894.</ref> pour caractériser la [[Algèbre de Lie#Algèbres de Lie semi-simples et réductives|semi-simplicité des algèbres de Lie]]. Quand '''K'''='''R''', elle fournit aussi des informations sur le groupe de Lie associé. Voir {{Lien|trad=Cartan's criterion|critère de Cartan}}.

Soit ''G'' un [[groupe de Lie]] (par exemple, un sous-groupe fermé de GL(''E'')). Par définition, son algèbre de Lie est l'espace des champs de vecteurs sur ''G'' invariants à gauche, muni du crochet de Lie [,] (commutateur de champs de vecteurs). La forme de Killing associée ''B'' définit une [[métrique pseudo-riemannienne]] bi-invariante sur ''G''. Si la forme de Killing ''B'' est définie positive, alors la métrique associée est une métrique riemannienne à courbure positive. Le théorème de Meyers implique que ''G'' est compact. D'autres liens existent.

=== Produit scalaire canonique ===
Soit <math> A=(a_{i,j})_{1\le i\le n,\ 1\le j\le p}</math> et <math> B=(b_{i,j})_{1\le i\le n,\ 1\le j\le p}</math> deux matrices dans <math>\mathcal M_{n,p}(\R)</math>. On remarque que
:<math> (A\mid B) = \sum_{1\le i\le n,\ 1\le j\le p} a_{i,j}b_{i,j} = \mathrm{Tr}(^tAB)=\mathrm{Tr}(^tBA)</math>
On dispose ainsi d'une écriture agréable du [[produit scalaire canonique]] sur l'espace <math>\R^{np}</math>.

Si ''H'' est un [[espace euclidien]] ou [[hermitien]], l'[[opérateur adjoint]] d'un opérateur ''u'' sur ''H'' est un opérateur sur ''H''. On définit alors le produit scalaire suivant sur l'espace <math>\mathcal{L}(H)</math> des opérateurs sur ''H'' :
:<math> (u\mid v)=\textrm{Tr}(u^*v)</math>.
Avec cette définition, il apparait clairement que les opérateurs autoadjoints et les opérateurs antiautoadjoints forment deux sous-espaces orthogonaux de <math>\mathcal{L}(H)</math>. L'adjonction est la symétrie orthogonale par rapport à l'espace des opérateurs autoadjoints.

=== Laplacien ===
{{Article détaillé|Laplacien}}
Soit ''U'' un ouvert de l'espace vectoriel réel <math>\R^n</math> contenant 0, et soit <math>f:U\rightarrow\R</math> de classe C{{exp|2}}. La [[Matrice hessienne|hessienne]] ''H'' de ''f'' en 0 est une forme bilinéaire symétrique sur ''E'', vérifiant
:<math>f(x)-f(0)=\mathrm{d}f(0)(x)+H(f)(x,x)+o(\|x\|^2)</math>.
Par définition, le laplacien de ''f'' en 0 est la trace de la hessienne :
:<math>\Delta f(0)=\mathrm{Tr} [H(f)(0)]=\sum_{i=1}^n \frac{\partial^2f}{\partial x_i^2} (0)</math>
Les fonctions de classe C{{exp|2}} de laplacien nul sont dites [[fonction harmonique|harmoniques]]. Nécessairement [[fonction analytique|analytiques]], ces fonctions interviennent notamment en [[analyse complexe]] et en [[analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]]. En particulier, les fonctions de laplacien nul sont les solutions du [[problème de Dirichlet]] qui est la recherche des extrémales de l'énergie de Dirichlet.

Par ailleurs, la définition du Laplacien se généralise en [[géométrie différentielle]] pour des fonctions sur des variétés riemanniennes, mais aussi pour des objets plus généraux comme les [[forme différentielle|formes différentielles]]. Y compris dans ce cadre plus général, la définition peut être donnée par des traces de formes bilinéaires. Les formes de laplacien nul sont appelées harmoniques, et la [[théorie de Hodge]] en montre l'importance.

=== Termes de courbure ===
{{Article détaillé|Courbure moyenne}}
Étant donné une surface orientée lisse ''S'' de l'espace euclidien <math>\R^3</math>, la courbure moyenne de ''S'' en ''x'' est la moyenne des deux courbures principales de ''S'' en ''x''. Formellement, ces courbures sont les valeurs propres d'une forme quadratique sur le plan tangent {{mvar|T{{ind|x}}S}}, appelée la seconde forme fondamentale de ''S'' en ''x'', notée {{math|II{{ind|''x''}}}}. La courbure moyenne de ''S'' en ''x'' est 
:<math>m(x)=\frac{\mathrm{Tr} (\mathrm{II}_x)}{2}</math>.
La définition de la courbure moyenne s'étend aux sous-variétés lisses {{mvar|N}} des variétés riemanniennes. Sa valeur en ''x'' n'est plus un scalaire mais un vecteur orthogonal à {{mvar|T{{ind|x}}N}}, qui se définit encore au moyen de traces. Les sous-variétés de courbure moyenne nulle sont appelées [[surface minimale|minimales]] et sont les extrémales du volume riemannien.

== Opérateurs à trace ==
{{Voir|Opérateur à trace}}
Soit ''H ''un [[espace de Hilbert]], de [[base hilbertienne]] {{math|(''e{{ind|i}}''){{ind|''i''∈''I''}}}} (non nécessairement [[Ensemble dénombrable|dénombrable]]). Un [[opérateur borné]] ''A ''∈ ℒ(''H'') est dit ''à trace'' si
<center><math>\sum_{i\in I}\langle P(e_i),e_i\rangle~<\infty\quad\text{pour}\quad P=\sqrt{A^*A}.</math></center>
(Cette [[Famille sommable|somme]] ne dépend pas du choix de la base hilbertienne.)
Dans ce cas, on pose
<center><math>\textrm{Tr}(A)=\sum_{i\in I}\langle Ae_i|e_i\rangle.</math></center>
Les opérateurs à trace<ref>{{Ouvrage|lang=en|url=https://books.google.fr/books?id=gtnMW_uH7DcC&pg=PA86|passage=86-94|titre=A Course in Operator Theory|nom1={{Lien|John B. Conway}}|éditeur=AMS|lien éditeur=American Mathematical Society|année=2000|isbn=978-0-82182065-0}}.</ref> sont [[Opérateur compact|compacts]]. Ils forment un [[idéal]] de ℒ(''H'') noté ℒ{{1}}(''H''), qui est [[Espace complet|complet]] pour la [[Norme (mathématiques)|norme]] ‖ ‖{{ind|1}} définie ci-dessous. La trace Tr est une [[forme linéaire]] [[Continuité (mathématiques)|continue]] définie positive sur ℒ{{1}}(''H''). 
<center><math>|\textrm{Tr}(A)|\leq \|A\|_1=\textrm{Tr}(\sqrt{A^*A}).</math></center>

En dimension finie, la trace d'un opérateur est la somme des coefficients diagonaux d'une représentation matricielle. L'exemple suivant en est une généralisation. Soit {{math|μ}} une [[mesure borélienne]] sur un [[espace compact]] ''K''. Soit ''{{math|f}} '': ''K''{{2}} → ℝ une application continue. Sur [[Espace L2|l'espace de Hilbert {{math|L}}{{2}}(''K'',ℝ)]] des fonctions de ''K'' dans ℝ de [[carré sommable]], l'[[opérateur à noyau]]
<center><math>\begin{matrix}
\mathrm L^2(K,\R) & \rightarrow &\mathrm L^2(K,\R)\\ h & \mapsto & x\mapsto \int_K f(x,y)h(y)~\mathrm d\mu(y)\end{matrix}</math></center>
est à trace, et sa trace vaut :
<center><math>\int_K f(x,x)~\mathrm d\mu(x).</math></center>

== Notes et références ==
{{Références|références=
<ref name="definitionTraceMatrice">{{Ouvrage|prénom=Serge|nom=Lang|lien auteur1=Serge Lang|titre=Algèbre|référence=Référence:Algèbre (Lang)|année=2004|éditeur=Dunod}}, p. 515, ou {{harvsp|Bourbaki A}}, ''op. cit.'', p. II.158, présente la définition sous une forme légèrement plus générale, et écrit la formule pour une matrice carrée supposée indexée par un [[ensemble fini]] quelconque, pas nécessairement celui des entiers entre 1 et ''n''.</ref>
<ref name="BourbakiII158">{{harvsp|Bourbaki A}}, ''op. cit.'', p. II.158.</ref>
<ref name="Lang515">{{harvsp|Lang|2004}}, ''op. cit.'', p. 515.</ref>
<ref name="Lang520">{{harvsp|Lang|2004}}, ''op. cit.'', p. 520.</ref>
<ref name="BourbakiII78">{{harvsp|Bourbaki A}}, ''op. cit.'', p. II.78.</ref>
<ref name="Roudier307">{{Ouvrage|prénom1=Henri|nom1=Roudier|titre=Algèbre linéaire|éditeur=Vuibert|année=2003|isbn=2-7117-8966-7}}.</ref>
<ref name="Lang576">{{harvsp|Lang|2004}}, ''op. cit.'', p. 576-579 (pour l'ensemble de la section, jusqu'à l'appel de notes).</ref>
}}
== Voir aussi ==
{{Autres projets|wikiversity=Trace et transposée de matrice|wikiversity titre=Trace et transposée de matrice}}
* {{Lien|trad=Dixmier trace|Trace de Dixmier}}
* [[Opérateur trace]]

{{Palette|Algèbre linéaire}}
{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Application linéaire]]